
Le 3 mai 1916 arrivent à Bulle les premiers soldats français blessés et malades en provenance des camps de prisonniers allemands. Ce cliché immortalise l'accueil qui est réservé à ces internés de guerre dans le chef-lieu gruérien... Difficile de les distinguer au milieu de cette foule, rassemblée dans la Grand-Rue. Sont-ils d'ailleurs déjà arrivés? Une autre carte postale montre l'ampleur du rassemblement populaire devant l'Hôtel de Ville. Dans son édition du 6 mai, La Gruyère indique que trois milles personnes les attendaient à la gare pour les acclamer. Depuis le balcon (au centre de la photo, où flotte un drapeau fribourgeois), le syndic Lucien Despond rend hommage aux internés à travers un discours très élogieux, mettant à l'honneur les liens de fraternité franco-helvétique:
«Vous êtes ici au milieu d’amis. […] Vous le savez, nos cœurs sont à vous, nous avons compati à vos souffrances, nous avons souffert des échecs de votre pays comme aussi nous avons été pleins de joie en apprenant ses succès. Nous admirons votre héroïsme et savons que vous êtes tous des héros […] Nos vœux sont que tant d’héroïsme et de sang versé aient leur compensation. Il faut que les vertus de l’Armée française – et nous sommes certains qu’il en sera ainsi – acquièrent à leur pays, une sublime récompense, celle d’une gloire immortelle dont vous aurez votre part».
Puis, après la réception officielle, les internés sont conduits dans les stations de Charmey et de Gruyères. Dans les jours suivants, deux autres convois de soldats français rejoignent Bulle (voir La Gruyère, édition du 10 mai et du 17 mai). Une même ferveur populaire entoure leur arrivée: cortège d'enfants en costume, orchestre, discours dithyrambiques, bouquets de fleurs, cadeaux et collation. A la fin de l'année 1917, on comptabilise 213 internés français et belges en convalescence dans les établissements gruériens : 21 à Bulle, 48 à Gruyères, 40 à Charmey, 31 à Grandvillard, 29 à Montbovon, 27 à La Tour de Trême, 2 à Riaz et 15 à Neirivue.
«Vous êtes ici au milieu d’amis. […] Vous le savez, nos cœurs sont à vous, nous avons compati à vos souffrances, nous avons souffert des échecs de votre pays comme aussi nous avons été pleins de joie en apprenant ses succès. Nous admirons votre héroïsme et savons que vous êtes tous des héros […] Nos vœux sont que tant d’héroïsme et de sang versé aient leur compensation. Il faut que les vertus de l’Armée française – et nous sommes certains qu’il en sera ainsi – acquièrent à leur pays, une sublime récompense, celle d’une gloire immortelle dont vous aurez votre part».
Puis, après la réception officielle, les internés sont conduits dans les stations de Charmey et de Gruyères. Dans les jours suivants, deux autres convois de soldats français rejoignent Bulle (voir La Gruyère, édition du 10 mai et du 17 mai). Une même ferveur populaire entoure leur arrivée: cortège d'enfants en costume, orchestre, discours dithyrambiques, bouquets de fleurs, cadeaux et collation. A la fin de l'année 1917, on comptabilise 213 internés français et belges en convalescence dans les établissements gruériens : 21 à Bulle, 48 à Gruyères, 40 à Charmey, 31 à Grandvillard, 29 à Montbovon, 27 à La Tour de Trême, 2 à Riaz et 15 à Neirivue.
Carte postale: Un groupe d'internés devant la Dent de Broc, s.d.
Carte postale: Visite du général Pau à Bulle, 12 juin 1917.
«Dossier: Fribourgeois dans la Grande Guerre», in Annales fribourgeoises, Société d'histoire du canton de Fribourg, 71/2009.
FAVRE Edouard, L’internement en Suisse des prisonniers de guerre malades ou blessés, 3 volumes, Berne, 1916-1919.
JACOLET Thierry, Un siècle d'action humanitaire, Fribourg, Editions La Sarine, 2009.
MURITH François, Bulle la grande guerre et le « fossé moral », chronique d’une francophilie affirmée, Mémoire de Master, Université de Fribourg, 2009.
Carte postale: Visite du général Pau à Bulle, 12 juin 1917.
«Dossier: Fribourgeois dans la Grande Guerre», in Annales fribourgeoises, Société d'histoire du canton de Fribourg, 71/2009.
FAVRE Edouard, L’internement en Suisse des prisonniers de guerre malades ou blessés, 3 volumes, Berne, 1916-1919.
JACOLET Thierry, Un siècle d'action humanitaire, Fribourg, Editions La Sarine, 2009.
MURITH François, Bulle la grande guerre et le « fossé moral », chronique d’une francophilie affirmée, Mémoire de Master, Université de Fribourg, 2009.
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Cette carte postale photographique montre une vieille dame assise sur une chaise, tenant son bas de laine dans sa main droite, d’où se sont échappées quelques sous, éparpillés sur son tablier. Un petit garçon, appuyé contre ses jambes, se saisit d’une pièce de monnaie et lui dit avec un regard complice:
« Alors dis, grand’mère, tu donneras les sous aux pauvres Belges et le bas à nos soldats ? »
Remarquable d’intensité et de sobriété, cette photo attendrissante nous invite à suivre l’exemple de charité de cette grand-mère et de son petit-fils. Elle est l’œuvre de l’artiste genevois Frédéric-François, dit Fred Boissonnas (1856-1946). Ayant grandi au milieu d’une famille de photographes, il reprend l’atelier de « peintre-photographe » que son père avait fondé à Genève en 1866. Quant à son frère, Edmond-Victor, il met au point les premières plaques orthochromatiques qui permettront l’introduction de la couleur. Fred Boissonnas est l’un des photographes officiels de l’Exposition nationale de 1896. Reconnu pour sa grande maitrise technique, il obtient de nombreuses distinctions internationales, dont le Grand Prix à l’Exposition universelle de Paris en 1900. Cette reconnaissance lui vaut un premier voyage en Grèce trois ans plus tard. Fasciné par ce pays, il y reviendra régulièrement durant toute sa vie pour y photographier ses plus beaux sites. En 1919, Boissonnas accompagne la délégation hellénique à la Conférence de Paix de Paris, où il y expose ses plus belles photographies. Il en résulte un ouvrage illustré, La Grèce immortelle, à mi-chemin entre propagande culturelle et touristique. Il obtient un contrat avec le gouvernement grec et fonde la maison d’édition Boissonnas la même année. Fred s’installe à Paris. Trois de ses fils dirigeront successivement l’atelier familial de Genève de 1920 à 1969.
Les photos de Fred Boissonnas illustrent aussi le quotidien de la guerre en Suisse. Il participe à l’ouvrage illustré du CICR, L’Agence internationale des prisonniers de guerre (1919). Ses photos paraissent également dans la revue hebdomadaire francophile L’image de la guerre, publiée par l'entreprise Sadag à Bellegarde (France).
« Alors dis, grand’mère, tu donneras les sous aux pauvres Belges et le bas à nos soldats ? »
Remarquable d’intensité et de sobriété, cette photo attendrissante nous invite à suivre l’exemple de charité de cette grand-mère et de son petit-fils. Elle est l’œuvre de l’artiste genevois Frédéric-François, dit Fred Boissonnas (1856-1946). Ayant grandi au milieu d’une famille de photographes, il reprend l’atelier de « peintre-photographe » que son père avait fondé à Genève en 1866. Quant à son frère, Edmond-Victor, il met au point les premières plaques orthochromatiques qui permettront l’introduction de la couleur. Fred Boissonnas est l’un des photographes officiels de l’Exposition nationale de 1896. Reconnu pour sa grande maitrise technique, il obtient de nombreuses distinctions internationales, dont le Grand Prix à l’Exposition universelle de Paris en 1900. Cette reconnaissance lui vaut un premier voyage en Grèce trois ans plus tard. Fasciné par ce pays, il y reviendra régulièrement durant toute sa vie pour y photographier ses plus beaux sites. En 1919, Boissonnas accompagne la délégation hellénique à la Conférence de Paix de Paris, où il y expose ses plus belles photographies. Il en résulte un ouvrage illustré, La Grèce immortelle, à mi-chemin entre propagande culturelle et touristique. Il obtient un contrat avec le gouvernement grec et fonde la maison d’édition Boissonnas la même année. Fred s’installe à Paris. Trois de ses fils dirigeront successivement l’atelier familial de Genève de 1920 à 1969.
Les photos de Fred Boissonnas illustrent aussi le quotidien de la guerre en Suisse. Il participe à l’ouvrage illustré du CICR, L’Agence internationale des prisonniers de guerre (1919). Ses photos paraissent également dans la revue hebdomadaire francophile L’image de la guerre, publiée par l'entreprise Sadag à Bellegarde (France).
Dans un élan de soutien patriotique, la population suisse s’organise rapidement pour soutenir matériellement ses soldats mobilisés. De multiples collectes ont lieu à travers tout le pays. Des habits chauds leur sont envoyés en prévision de l’hiver. Puis, épargnés des affres de la guerre, les Suisses éprouvent aussi le besoin de se sentir utiles hors de leurs frontières. Ils apportent spontanément leur contribution morale aux victimes civiles et militaires par le biais de collectes d’argent et de vêtements. On observe alors un double mouvement de charité : patriotique (destiné aux soldats suisses) et humanitaire (en faveur des victimes des pays belligérants). Les paroles du petit garçon rendent parfaitement compte de cette double solidarité helvétique.
Dès le début de la guerre, les sections cantonales de la Croix-Rouge suisse mobilisent leurs effectifs pour accomplir ce qui constitue alors leur mission première : renforcer les services sanitaires de l’armée. Conformément à l’idéal d'Henry Dunant, les volontaires de la Croix-Rouge nationale sont alors prêts à arpenter les champs de bataille pour soigner les soldats blessés au cas où la Suisse entre en guerre. Des collectes nationales sont organisées pour équiper les sections en matériel sanitaire et fournir aux soldats suisses nécessiteux l’équipement personnel qui leur fait défaut (chaussettes, chemises, couverture pour l’hiver, etc.). Au premier janvier 1915, les sommes récoltées atteignent déjà près d’un million de francs, et les fournitures dépassent largement les besoins.
Or, comme la Suisse n’entre pas en guerre, la militarisation de la Croix-Rouge devient source de critiques : la charité populaire servirait, rétorquent certains, à entretenir une armée passant ses journées à jouer aux cartes... A partir de 1915, un revirement s’opère au sein de la Croix-Rouge nationale. Le soutien patriotique est progressivement délaissé par une partie des sections au profit des secours internationaux. Dès lors et jusqu’à la fin de la guerre, la Croix-Rouge suisse s’associe pleinement aux œuvres populaires en faveur des victimes de guerre. Son personnel s'occupe notamment des soldats français et allemands rapatriés en train à travers la Suisse.
Dès le début de la guerre, les sections cantonales de la Croix-Rouge suisse mobilisent leurs effectifs pour accomplir ce qui constitue alors leur mission première : renforcer les services sanitaires de l’armée. Conformément à l’idéal d'Henry Dunant, les volontaires de la Croix-Rouge nationale sont alors prêts à arpenter les champs de bataille pour soigner les soldats blessés au cas où la Suisse entre en guerre. Des collectes nationales sont organisées pour équiper les sections en matériel sanitaire et fournir aux soldats suisses nécessiteux l’équipement personnel qui leur fait défaut (chaussettes, chemises, couverture pour l’hiver, etc.). Au premier janvier 1915, les sommes récoltées atteignent déjà près d’un million de francs, et les fournitures dépassent largement les besoins.
Or, comme la Suisse n’entre pas en guerre, la militarisation de la Croix-Rouge devient source de critiques : la charité populaire servirait, rétorquent certains, à entretenir une armée passant ses journées à jouer aux cartes... A partir de 1915, un revirement s’opère au sein de la Croix-Rouge nationale. Le soutien patriotique est progressivement délaissé par une partie des sections au profit des secours internationaux. Dès lors et jusqu’à la fin de la guerre, la Croix-Rouge suisse s’associe pleinement aux œuvres populaires en faveur des victimes de guerre. Son personnel s'occupe notamment des soldats français et allemands rapatriés en train à travers la Suisse.
Affiche: Conférence à Genève sur «L'Olympe» (1916) avec les clichés de Fred Boissonnas (BN, Berne, catalogue des affiches)
BGE, Centre d'iconographie genevoise, Collection de photographies de Fred Boissonnas
Photo de la dernière de couverture de la revue L'image en Guerre, par Fred Boissonnas, s.d.
Photo de la dernière de couverture de la revue L'image en Guerre (2), par Fred Boissonnas, s.d.
RTS Archives, émission TV Dimanche Soir du 14 novembre 1982: Les Boissonnas
Archives de la Croix Rouge Suisse, Rapports XX à XXIV de la Direction, Berne, Genossenschafts-Buchdruckerei, 1914-1918.
BENDER Philippe, « Das Schweizer Rote Kreuz im Ersten Weltkrieg. Die Notwendigkeit, etwas zu tun… » in : Actio, 5/1988.
La Croix-Rouge suisse pendant la mobilisation 1914-1919, Berne, Impr. coopérative, 1920.
ROGER Noëlle, Les trains des Grands Blessés, Neuchâtel, Attinger Frères, 1917.
BGE, Centre d'iconographie genevoise, Collection de photographies de Fred Boissonnas
Photo de la dernière de couverture de la revue L'image en Guerre, par Fred Boissonnas, s.d.
Photo de la dernière de couverture de la revue L'image en Guerre (2), par Fred Boissonnas, s.d.
RTS Archives, émission TV Dimanche Soir du 14 novembre 1982: Les Boissonnas
Archives de la Croix Rouge Suisse, Rapports XX à XXIV de la Direction, Berne, Genossenschafts-Buchdruckerei, 1914-1918.
BENDER Philippe, « Das Schweizer Rote Kreuz im Ersten Weltkrieg. Die Notwendigkeit, etwas zu tun… » in : Actio, 5/1988.
La Croix-Rouge suisse pendant la mobilisation 1914-1919, Berne, Impr. coopérative, 1920.
ROGER Noëlle, Les trains des Grands Blessés, Neuchâtel, Attinger Frères, 1917.
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Devant des ruines fumantes symbolisant l’invasion de la Belgique par les troupes allemandes, une femme agenouillée revêtue de haillons, serre son enfant à demi nu contre sa poitrine. En arrière plan, le drapeau suisse se fond dans un ciel rougeoyant. Cette carte postale intitulé « Pour la Belgique » a été réalisée en automne 1914 par l’artiste neuchâtelois Charles Edouard Gogler, alors président du Comité de secours aux réfugiés belges de Saint-Imier. Elle fut réalisée sur sa propre initiative et vendue en Suisse au profit de l’œuvre pour les réfugiés belges. Rien que dans le vallon de Saint-Imier, la vente de cette carte postale rapporta plus de 600 francs au comité pro-belge.
Alors que la violation de la neutralité belge par l’Allemagne divise l’opinion publique et déchaîne les passions germanophiles ou germanophobes dans la presse suisse, Gogler traite le sujet avec tact et finesse. Il réussit à illustrer la misère des réfugiés belges en portant strictement l’attention sur l’aspect humanitaire, évinçant toute référence ou connotation politique. La composition est simple et efficace. Elle évoque autant l’héroïsme et le courage de la jeune mère que la détresse de la situation.
Alors que la violation de la neutralité belge par l’Allemagne divise l’opinion publique et déchaîne les passions germanophiles ou germanophobes dans la presse suisse, Gogler traite le sujet avec tact et finesse. Il réussit à illustrer la misère des réfugiés belges en portant strictement l’attention sur l’aspect humanitaire, évinçant toute référence ou connotation politique. La composition est simple et efficace. Elle évoque autant l’héroïsme et le courage de la jeune mère que la détresse de la situation.
La violation de la neutralité belge par les armées allemandes divise profondément l’opinion publique helvétique. Les francophiles romands manifestent ouvertement leur indignation contre l’agression allemande et en appellent à la solidarité humanitaire. Parti de Lausanne, le mouvement pro-belge prend une ampleur nationale. Dès le mois d’octobre, pas moins de 11 cantons – Argovie, Bâle, Berne, Fribourg, Genève, Lucerne, Neuchâtel, Soleure, Tessin, Vaud et Zurich – prennent part à un vaste réseau de secours remarquablement coordonné en faveur des réfugiés Belges.
Leur arrivée en Suisse, orchestrée depuis Lausanne, est attendue pour le mois suivant. Organisé en Comité central, l’œuvre se donne comme principal objectif de préparer l'accueil de jeunes orphelins Belges en Suisse. En vue de leur arrivée, des collectes en argent et en nature sont organisées à travers tout le pays, et des ouvroirs sont ouverts pour leur confectionner des vêtements. Les sommes rassemblées sont considérables, les offres d’hospitalisations innombrables. La population s’enflamme à l’idée de pouvoir hospitaliser « son petit Belge ». Cet élan de charité rythme la vie locale durant de longues semaines, particulièrement en Romandie où des comités communaux se forment jusque dans les plus petites localités. Mais l’enthousiasme tourne à la désillusion lorsque les convois annoncés prennent du retard et que les enfants Belges tardent à venir. A force de persévérance, les efforts diplomatiques du Comité sont enfin récompensés en été 1915. Grâce à l’intervention de la Reine Elisabeth de Belgique, un premier contingent de 134 enfants en provenance des territoires belges non-occupés atteint la Suisse, mettant fin aux frustrations accumulées.
Les jeunes flamands, de confession catholique, sont placés dans les cantons de Fribourg, Lucerne et du Valais. Grâce à l’aide financière de la fondation américaine Rockefeller, le canton de Fribourg peut assurer l’hébergement de 500 petits belges supplémentaire dès 1917. Quant aux petits wallons, protestants, ils sont majoritairement reçus dans le canton de Vaud, où ils sont répartis dans soixante-deux communes. Au final, plus de 3000 réfugiés belges, dont un tiers d’enfants sont accueillis en Suisse durant la guerre.
Leur arrivée en Suisse, orchestrée depuis Lausanne, est attendue pour le mois suivant. Organisé en Comité central, l’œuvre se donne comme principal objectif de préparer l'accueil de jeunes orphelins Belges en Suisse. En vue de leur arrivée, des collectes en argent et en nature sont organisées à travers tout le pays, et des ouvroirs sont ouverts pour leur confectionner des vêtements. Les sommes rassemblées sont considérables, les offres d’hospitalisations innombrables. La population s’enflamme à l’idée de pouvoir hospitaliser « son petit Belge ». Cet élan de charité rythme la vie locale durant de longues semaines, particulièrement en Romandie où des comités communaux se forment jusque dans les plus petites localités. Mais l’enthousiasme tourne à la désillusion lorsque les convois annoncés prennent du retard et que les enfants Belges tardent à venir. A force de persévérance, les efforts diplomatiques du Comité sont enfin récompensés en été 1915. Grâce à l’intervention de la Reine Elisabeth de Belgique, un premier contingent de 134 enfants en provenance des territoires belges non-occupés atteint la Suisse, mettant fin aux frustrations accumulées.
Les jeunes flamands, de confession catholique, sont placés dans les cantons de Fribourg, Lucerne et du Valais. Grâce à l’aide financière de la fondation américaine Rockefeller, le canton de Fribourg peut assurer l’hébergement de 500 petits belges supplémentaire dès 1917. Quant aux petits wallons, protestants, ils sont majoritairement reçus dans le canton de Vaud, où ils sont répartis dans soixante-deux communes. Au final, plus de 3000 réfugiés belges, dont un tiers d’enfants sont accueillis en Suisse durant la guerre.
Carte postale L'Union fait la force (Collection de cartes postales militaires, Bibliothèque am Guisanplatz, Berne)
Carte postale En faveur des réfugiés belges.
Archives cantonales vaudoises, inventaire P Comité belge.
Articles concernant le Comité de secours au Belges de Saint-Imier, tirés du quotidien Le Jura Bernois (Mémoires d' Ici, Saint-Imier)
- «Pour les Belges», 23 octobre 1914.
- «Pour les Belges», 24 octobre 1914.
- «Pour les Belges», 26 octobre 1914.
Site internet Bel-Memorial: La Belgique reconnaissante à la Suisse hospitalière 1914-1918, statue commémorative réalisée par Ernest Wynants, Ouchy (Lausanne), 1930.
GASSER Floriane, Des enfants belges et un espion suisse. La Suisse romande dans la Grande Guerre entre engagement humanitaire et conflit de loyauté. Le « Comité de Secours aux Réfugiés Belges » et « L’Affaire Savoy » (1914-1920), mémoire de licence, Frbourg, 2006.
Pendant la Grande Guerre. L’hospitalisation des enfants belges en Suisse et l’aide américaine. Rapport du Comité fribourgeois. La participation du canton de Fribourg et celle de l’Amérique à l’œuvre d’hospitalisation des enfants belges en Suisse. 1915-1919. Fribourg, Imprimerie St-Paul, 1920.
Les Réfugiés belges en Suisse. Réception et hospitalisation dans le Canton de Vaud, Lausanne, L. Martinet, 1915.
Rapport Général de l’œuvre des Réfugiés Belges en Suisse, octobre 1914 – 31 décembre 1917, Lausanne, Bureau du Comité central, 1918.
Carte postale En faveur des réfugiés belges.
Archives cantonales vaudoises, inventaire P Comité belge.
Articles concernant le Comité de secours au Belges de Saint-Imier, tirés du quotidien Le Jura Bernois (Mémoires d' Ici, Saint-Imier)
- «Pour les Belges», 23 octobre 1914.
- «Pour les Belges», 24 octobre 1914.
- «Pour les Belges», 26 octobre 1914.
Site internet Bel-Memorial: La Belgique reconnaissante à la Suisse hospitalière 1914-1918, statue commémorative réalisée par Ernest Wynants, Ouchy (Lausanne), 1930.
GASSER Floriane, Des enfants belges et un espion suisse. La Suisse romande dans la Grande Guerre entre engagement humanitaire et conflit de loyauté. Le « Comité de Secours aux Réfugiés Belges » et « L’Affaire Savoy » (1914-1920), mémoire de licence, Frbourg, 2006.
Pendant la Grande Guerre. L’hospitalisation des enfants belges en Suisse et l’aide américaine. Rapport du Comité fribourgeois. La participation du canton de Fribourg et celle de l’Amérique à l’œuvre d’hospitalisation des enfants belges en Suisse. 1915-1919. Fribourg, Imprimerie St-Paul, 1920.
Les Réfugiés belges en Suisse. Réception et hospitalisation dans le Canton de Vaud, Lausanne, L. Martinet, 1915.
Rapport Général de l’œuvre des Réfugiés Belges en Suisse, octobre 1914 – 31 décembre 1917, Lausanne, Bureau du Comité central, 1918.
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Une colonne formée d’une trentaine de personnes, encadrée par deux soldats suisses du service territorial, défile le long d’une rue. Ce cortège, que l’on devine avancer d’un pas lourd et fatigué, se compose essentiellement de personnes âgées, de femmes et de quelques très jeunes enfants. Leur allure est peu reluisante, leurs visages fermés et tournés vers le sol. Ils sont vêtus d’habits sobres pour ne pas dire rudimentaires, et transportent tant bien que mal quelques maigres affaires calées sous leurs bras, en guise de simple bagage. Le contraste est saisissant entre la posture du soldat suisse, en tête de file, tout en robustesse et en droiture, soignant son image pour le photographe, et la cohorte courbée, dépareillée et nonchalante qui le suit.
Cette scène peu banale garderait sa part de mystère si elle n’était accompagnée d’une notice indiquant qu’il s’agit d’évacués français à Genève. Qui sont ces évacués ? Que font-ils à Genève ? Où vont-ils ? Et pourquoi sont-ils sous surveillance militaire ?
Cette scène peu banale garderait sa part de mystère si elle n’était accompagnée d’une notice indiquant qu’il s’agit d’évacués français à Genève. Qui sont ces évacués ? Que font-ils à Genève ? Où vont-ils ? Et pourquoi sont-ils sous surveillance militaire ?
Dans les premières semaines de la guerre, l’Allemagne envahit la Belgique et les départements du Nord-Est de la France. Devant faire face à d’insurmontables difficultés pour assurer le ravitaillement alimentaire de ses nouveaux territoires, l’Allemagne commence à en expulser les habitants, jugés « encombrants », à partir de février 1915. La solution consiste à acheminer ces « bouches inutiles » en France libre en les faisant transiter par la Suisse, où circulent déjà des convois d’internés civils entre l’Allemagne et la France depuis l’automne 1914. La Suisse est d’abord réticente à cautionner une telle pratique, craignant un afflux ingérable de milliers de réfugiés sur son territoire. Mais elle finit par prêter la main à cet exil forcé en vertu des principes humanitaires. Elle se dote alors d’une série de mesures permettant d’encadrer au mieux les convois de Schaffhouse à Annemasse.
Ces « évacués » sont des personnes jugées encombrantes et inutiles à l’effort de guerre allemand. On y trouve surtout des vieillards, des femmes et des enfants. Entre le 4 et le 14 février, Schaffhouse en reçoit 4000. Leur détresse et leur dénuement émeuvent les Suisses qui, sur leur passage, se mobilisent en petits comités pour leur offrir vêtements, nourriture et réconfort moral. Très vite, des foules de curieux s’attroupent autour des gares, et en certains endroits, les gestes de charité se transforment en manifestations politiques avec drapeaux et chants à la gloire de la France. Jugées trop démonstratives et contraires à l’esprit d’impartialité dans lequel devaient être exécutés les rapatriements, elles sont réprimées par les autorités suisses : l’œuvre populaire se militarise, l’accès aux gares est restreint, les trains circulent de nuit et des appels à la retenue sont lancés dans la presse. Dans un contexte de tensions internes entre Romands et Alémaniques, les autorités craignent que l’expression de sentiments francophiles à l’égard des évacués ne nuise à la cohésion nationale et ne porte atteinte à la neutralité suisse. Ces évacuations à travers la Suisse se poursuivent jusqu’à la fin de la guerre. Au total, près de 500'000 personnes auront été rapatriés par le territoire suisse.
Ces « évacués » sont des personnes jugées encombrantes et inutiles à l’effort de guerre allemand. On y trouve surtout des vieillards, des femmes et des enfants. Entre le 4 et le 14 février, Schaffhouse en reçoit 4000. Leur détresse et leur dénuement émeuvent les Suisses qui, sur leur passage, se mobilisent en petits comités pour leur offrir vêtements, nourriture et réconfort moral. Très vite, des foules de curieux s’attroupent autour des gares, et en certains endroits, les gestes de charité se transforment en manifestations politiques avec drapeaux et chants à la gloire de la France. Jugées trop démonstratives et contraires à l’esprit d’impartialité dans lequel devaient être exécutés les rapatriements, elles sont réprimées par les autorités suisses : l’œuvre populaire se militarise, l’accès aux gares est restreint, les trains circulent de nuit et des appels à la retenue sont lancés dans la presse. Dans un contexte de tensions internes entre Romands et Alémaniques, les autorités craignent que l’expression de sentiments francophiles à l’égard des évacués ne nuise à la cohésion nationale et ne porte atteinte à la neutralité suisse. Ces évacuations à travers la Suisse se poursuivent jusqu’à la fin de la guerre. Au total, près de 500'000 personnes auront été rapatriés par le territoire suisse.
Gazette de Lausanne, «Internés et évacués», 5 mars 1915.
Carte postale: Souvenir du passage des évacués fançais à Genève.
Carte postale: La Suisse hospitalière.
Carte postale: Les évacués - 1918 - Die Evakuierten (par le peintre Ed. Elzingre).
Archives du CICR, C G1 B 03:
-04 Civils français : traitement des populations civiles occupées du nord de la France par les Allemands et des internés civils en mains allemandes, autrichiennes et bulgares. 1914-1919.
- 05 Civils français : rapatriement d’internés civils français en mains allemandes, autrichiennes et bulgares en cours d’hostilités, rapatriement d’internés civils alsaciens.
Le passage des rapatriés français à Zurich, Bâle, éd. de Mars, 1915.
FARCY Jean-Claude, Les camps de concentration français de la première guerre mondiale (1914-1920), Paris, Anthropos-Economica, 1995.
NAGEL Ernst, Les œuvres suisses de charité pendant la guerre, 1914-1916, Neuchâtel, Bassin-Clottu, 1916.
RÖTHLISBERGER Ernst, Die schweizerische Hilfsaktion für die Opfer des Krieges und das Heimschaffungswerk, Bern, K.J. Wyss, 1915.
Carte postale: Souvenir du passage des évacués fançais à Genève.
Carte postale: La Suisse hospitalière.
Carte postale: Les évacués - 1918 - Die Evakuierten (par le peintre Ed. Elzingre).
Archives du CICR, C G1 B 03:
-04 Civils français : traitement des populations civiles occupées du nord de la France par les Allemands et des internés civils en mains allemandes, autrichiennes et bulgares. 1914-1919.
- 05 Civils français : rapatriement d’internés civils français en mains allemandes, autrichiennes et bulgares en cours d’hostilités, rapatriement d’internés civils alsaciens.
Le passage des rapatriés français à Zurich, Bâle, éd. de Mars, 1915.
FARCY Jean-Claude, Les camps de concentration français de la première guerre mondiale (1914-1920), Paris, Anthropos-Economica, 1995.
NAGEL Ernst, Les œuvres suisses de charité pendant la guerre, 1914-1916, Neuchâtel, Bassin-Clottu, 1916.
RÖTHLISBERGER Ernst, Die schweizerische Hilfsaktion für die Opfer des Krieges und das Heimschaffungswerk, Bern, K.J. Wyss, 1915.
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Sur le quai de la gare de Genève, une foule nombreuse attend, en pleine nuit, l’arrivée d’un train de grands blessés français en provenance directe des camps allemands. Au premier plan, deux membres de la Croix-Rouge locale portent une caisse vraisemblablement remplie de petits cadeaux destinés aux mutilés transitant par la Suisse. A côté d’eux, un homme exhibe un drapeau français. Au milieu de la foule, on relève la présence de nombreuses femmes et de jeunes enfants. Les plus intrépides se hissent sur les pylones du quai, espérant ainsi apercevoir les blessés de guerre aux fenêtres des wagons. L’excitation et l’effervescence sont palpables. Genève est la dernière étape des grands blessés en territoire suisse avant leur retour en France.
En partance de Constance le soir vers 18h00, ces convois traversent la Suisse d’est en ouest, alors que les convois de grands blessés allemands circulent en sens inverse de Lyon à Constance. Sur leur trajet, les Français se font servir du café et du pain en gare de Zurich. Ils traversent ensuite Berne, Fribourg et Lausanne sous les clameurs populaires des curieux qui n’hésitent pas à se rassembler en pleine nuit pour les voir passer. Les convois arrivent finalement à 04h00 à Genève. L’arrêt dure une vingtaine de minutes, ce qui suffit aux bénévoles pour distribuer petits pains, lait chaud, chocolat, thé et gâteaux. Quant aux trains des blessés allemands, ils quittent Lyon à 16h35, passe à Genève à 21h40 (principal ravitaillement) et arrive à Constance le lendemain à 9h00.
En partance de Constance le soir vers 18h00, ces convois traversent la Suisse d’est en ouest, alors que les convois de grands blessés allemands circulent en sens inverse de Lyon à Constance. Sur leur trajet, les Français se font servir du café et du pain en gare de Zurich. Ils traversent ensuite Berne, Fribourg et Lausanne sous les clameurs populaires des curieux qui n’hésitent pas à se rassembler en pleine nuit pour les voir passer. Les convois arrivent finalement à 04h00 à Genève. L’arrêt dure une vingtaine de minutes, ce qui suffit aux bénévoles pour distribuer petits pains, lait chaud, chocolat, thé et gâteaux. Quant aux trains des blessés allemands, ils quittent Lyon à 16h35, passe à Genève à 21h40 (principal ravitaillement) et arrive à Constance le lendemain à 9h00.
Assistant au passage de l’un des trains de grands blessés en gare de Genève, Romain Rolland, écrivain et pacifiste français réfugié en Suisse pendant la guerre, rapporte ses impressions dans son Journal des années de guerre (cahier XIII, p. 601) :
« Dans la nuit du 7 au 8 décembre 1915, j’assiste, à la gare de Cornavin, au passage des grands blessés français. Nuit noire, tiède et pluvieuse. Sur le quai du milieu, les dames de la Croix-Rouge et les infirmières, chargées de paquets de cadeaux et de petits drapeaux de soie. Le Consul Pascal d’Aix et sa femme. Tronchin porte une corbeille de pipes en bois. […].
Le train (venu de Constance) arrive lentement à quatre heures du matin. Des feux de Bengale le signalent, et les hurlements de la foule saluent les premières voitures. On voit dans la nuit des centaines de bras et de mouchoirs s’agiter. Le train est très long. Il contient 300 blessés militaires et 150 civils, presque tous phtisiques. Tous ceux qui peuvent se tenir debout se pressent aux portières, en criant : « Vive la Suisse ! » Ceux même qui sont couchés se retournent péniblement sur leurs hamacs et tâchent d’agiter une main par l’ouverture, ou grimacent un sourire. Le train ne doit rester que dix minutes. On se précipite pour porter aux blessés tabac, fruits, chocolat, bâtons, sacs, objets de toilette, etc., et je fais comme les autres. […]
Je parcours les wagons, en distribuant mes petites provisions. Les pauvres gens couchés sont presque tous très polis et s’efforcent de sourire et de répondre gentiment ; mais ils ont l’air bien las et certains mornes et sombres. Quelques-uns, surtout ceux qui sont sur les couchettes du bas, s’enfoncent dans l’ombre, tournent le dos, font les morts. Aucun ne cherche à attirer l’attention. Et l’on entend des toux navrantes….Ah ! Je sens au fond de bien des cœurs un grand muet désespoir… […] Le train s’ébranle. […] Les soldats chantent La Marseillaise. Et en m’en retournant, j’entends les imbéciles officiels se répéter, suivant la formule, que c’est là "un spectacle bien réconfortant" ».
« Dans la nuit du 7 au 8 décembre 1915, j’assiste, à la gare de Cornavin, au passage des grands blessés français. Nuit noire, tiède et pluvieuse. Sur le quai du milieu, les dames de la Croix-Rouge et les infirmières, chargées de paquets de cadeaux et de petits drapeaux de soie. Le Consul Pascal d’Aix et sa femme. Tronchin porte une corbeille de pipes en bois. […].
Le train (venu de Constance) arrive lentement à quatre heures du matin. Des feux de Bengale le signalent, et les hurlements de la foule saluent les premières voitures. On voit dans la nuit des centaines de bras et de mouchoirs s’agiter. Le train est très long. Il contient 300 blessés militaires et 150 civils, presque tous phtisiques. Tous ceux qui peuvent se tenir debout se pressent aux portières, en criant : « Vive la Suisse ! » Ceux même qui sont couchés se retournent péniblement sur leurs hamacs et tâchent d’agiter une main par l’ouverture, ou grimacent un sourire. Le train ne doit rester que dix minutes. On se précipite pour porter aux blessés tabac, fruits, chocolat, bâtons, sacs, objets de toilette, etc., et je fais comme les autres. […]
Je parcours les wagons, en distribuant mes petites provisions. Les pauvres gens couchés sont presque tous très polis et s’efforcent de sourire et de répondre gentiment ; mais ils ont l’air bien las et certains mornes et sombres. Quelques-uns, surtout ceux qui sont sur les couchettes du bas, s’enfoncent dans l’ombre, tournent le dos, font les morts. Aucun ne cherche à attirer l’attention. Et l’on entend des toux navrantes….Ah ! Je sens au fond de bien des cœurs un grand muet désespoir… […] Le train s’ébranle. […] Les soldats chantent La Marseillaise. Et en m’en retournant, j’entends les imbéciles officiels se répéter, suivant la formule, que c’est là "un spectacle bien réconfortant" ».
Archives fédérales suisses, E 27, 1000/721, 14044: Durchtransporte, Ausstausch von Militär- und Zivilpersonen durch die Schweiz.
Archives du CICR, C G1 A 42-02 Négociation du rapatriement en cours d'hostilités des prisonniers "grands malades" et "grands blessés".
Carte postale: Passage d'un train de grands blessés français.
Carte postale: Grands blessés.
Carte postale: Grands blessés (2).
Carte postale: La Suisse acclame avec enthousiasme les glorieux mutilés français.
NAGEL Ernst, Les œuvres suisses de charité pendant la guerre, 1914-1916, Neuchâtel, Bassin-Clottu, 1916.
ROGER Noëlle, Les carnets d’un témoin, Neuchâtel, Attinger frères, 1917.
ROLLAND Romain, Journal des années de guerre, 1914-1919, Paris, Editions Albin Michel, 1952.
Archives du CICR, C G1 A 42-02 Négociation du rapatriement en cours d'hostilités des prisonniers "grands malades" et "grands blessés".
Carte postale: Passage d'un train de grands blessés français.
Carte postale: Grands blessés.
Carte postale: Grands blessés (2).
Carte postale: La Suisse acclame avec enthousiasme les glorieux mutilés français.
NAGEL Ernst, Les œuvres suisses de charité pendant la guerre, 1914-1916, Neuchâtel, Bassin-Clottu, 1916.
ROGER Noëlle, Les carnets d’un témoin, Neuchâtel, Attinger frères, 1917.
ROLLAND Romain, Journal des années de guerre, 1914-1919, Paris, Editions Albin Michel, 1952.
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Des soldats français, reconnaissables à leur uniforme militaire bleu et rouge hérité de la guerre de 1870 (et porté jusqu’à la fin de l’année 1915) se trouvent en Suisse sur les rives du lac Léman. La topographie du lieu nous permet d’identifier le château de Chillon, derrière lequel se détachent les Dents du Midi. Les soldats français se trouvent probablement à Montreux. La ville disposait effectivement d’un centre accueillant les prisonniers de guerre français malades ou blessés.
En regardant attentivement la scène, on distingue deux soldats portant un bandage sur la tête, un autre tenant son bras gauche en écharpe et un quatrième ayant une jambe amputée. Dans ce paysage idyllique, les « héros français en Suisse » (titre inscrit au verso de la carte postale) ne sont autres que des prisonniers de guerre convalescents, portant encore les cicatrices des combats, soignés par deux infirmières et un membre de la Croix-Rouge. L’héroïsation des blessés français passe ici par l’exaltation de la « belle blessure », celle qui glorifie et fait honneur. On ne saurait voir de « gueule cassée ». Cette vision idéalisée est en total décalage avec la sombre réalité des combats qui engendrent leur lot de mutilés.
Enfin, comme pour faire écho aux sympathies romandes pour la cause française, la nappe blanche ornée de bouquets de fleurs n’est décorée que par des écussons romands (Vaud, Neuchâtel, Genève, Valais), cantons dans lesquels les Français sont hospitalisés.
En regardant attentivement la scène, on distingue deux soldats portant un bandage sur la tête, un autre tenant son bras gauche en écharpe et un quatrième ayant une jambe amputée. Dans ce paysage idyllique, les « héros français en Suisse » (titre inscrit au verso de la carte postale) ne sont autres que des prisonniers de guerre convalescents, portant encore les cicatrices des combats, soignés par deux infirmières et un membre de la Croix-Rouge. L’héroïsation des blessés français passe ici par l’exaltation de la « belle blessure », celle qui glorifie et fait honneur. On ne saurait voir de « gueule cassée ». Cette vision idéalisée est en total décalage avec la sombre réalité des combats qui engendrent leur lot de mutilés.
Enfin, comme pour faire écho aux sympathies romandes pour la cause française, la nappe blanche ornée de bouquets de fleurs n’est décorée que par des écussons romands (Vaud, Neuchâtel, Genève, Valais), cantons dans lesquels les Français sont hospitalisés.
Dans le but de pallier aux souffrances des prisonniers de guerre blessés et malades qui s’entassent par milliers dans des camps improvisés en France et en Allemagne, la Confédération, soutenue par la CICR et le Vatican, entame des négociations avec les gouvernements français et allemand dès le printemps 1915 pour obtenir leur internement en Suisse. Si cette mesure inédite est dictée par de réels sentiments humanitaires, elle répond aussi aux intérêts politico-stratégiques et économiques de la Suisse. Elle lui permet non seulement de renforcer sa neutralité, mais aussi de sauver son industrie hôtelière sévèrement frappée par la crise, puisque les internés sont hospitalisés dans des hôtels ou des sanatoria.
L’œuvre débute en janvier 1916. Elle s’étendra ensuite aux prisonniers belges, anglais et austro-hongrois. Les internés de l’Entente sont établis dans le secteur romand et dans l’Oberland bernois, tandis que ceux des Empires centraux sont stationnés en Suisse alémanique. Une commission médicale composée de médecins suisses arpente les camps de prisonniers des Etats en guerre pour sélectionner les candidats à l’internement, selon des critères médicaux très précis. Bien qu’admis en pays neutre, les internés sont toujours considérés comme des prisonniers, et donc soumis à une stricte discipline militaire. La Suisse doit prendre des dispositions inédites pour gérer un tel afflux de militaires étrangers sur son territoire. Il faut notamment leur trouver des occupations et règlementer leurs rapports avec la population.
Devant le succès de l’œuvre et face aux nécessités de secourir davantage de prisonniers, on procède à partir de 1917, à l’extension de l’internement à deux nouvelles catégories parmi les prisonniers valides ayant enduré plus de 18 mois de captivité : les pères de famille ayant plus de trois enfants ainsi que les officiers et sous-officiers souffrant de graves troubles psychiques. Sur le plan du droit humanitaire international, l’expérience de l’internement débouche sur une nouvelle législation concernant le traitement des prisonniers de guerre, ratifiée officiellement en 1929.
L’œuvre débute en janvier 1916. Elle s’étendra ensuite aux prisonniers belges, anglais et austro-hongrois. Les internés de l’Entente sont établis dans le secteur romand et dans l’Oberland bernois, tandis que ceux des Empires centraux sont stationnés en Suisse alémanique. Une commission médicale composée de médecins suisses arpente les camps de prisonniers des Etats en guerre pour sélectionner les candidats à l’internement, selon des critères médicaux très précis. Bien qu’admis en pays neutre, les internés sont toujours considérés comme des prisonniers, et donc soumis à une stricte discipline militaire. La Suisse doit prendre des dispositions inédites pour gérer un tel afflux de militaires étrangers sur son territoire. Il faut notamment leur trouver des occupations et règlementer leurs rapports avec la population.
Devant le succès de l’œuvre et face aux nécessités de secourir davantage de prisonniers, on procède à partir de 1917, à l’extension de l’internement à deux nouvelles catégories parmi les prisonniers valides ayant enduré plus de 18 mois de captivité : les pères de famille ayant plus de trois enfants ainsi que les officiers et sous-officiers souffrant de graves troubles psychiques. Sur le plan du droit humanitaire international, l’expérience de l’internement débouche sur une nouvelle législation concernant le traitement des prisonniers de guerre, ratifiée officiellement en 1929.
Archives fédérales suisse, E 27, 1000/721: Internierung und Hospitalisierung.
Archives du CICR: C G1 A 43 : Internement de prisonniers en pays neutre 1914-1920.
Procès-verbal de la séance du Conseil fédéral du 7 mai 1915: Leichtverwundete. Internierung in der Schweiz.
Lettre du Département politique à l'Ambassade de France concernant les nouvelles mesures d'internement en Suisse des prisonniers de guerre, Berne, le 19 avril 1917.
Journal des Internés français, (Première page), le 2 novembre 1916.
Deutsche Internierten-Zeitung,(Première page), le 1er novembre 1916.
BÜRGISSER Thomas, «Unerwünschte Gäste». Russische Soldaten in der Schweiz 1915-1920, Basel, Lizentiatsarbeit, 2006.
FAVRE Edouard, L’internement en Suisse des prisonniers de guerre malades ou blessés, 3 volumes, Berne, 1916-1919.
- Nombre d'internés en Suisse par nationalité, de janv. 1916 à janv. 1917 (p. 18).
- Répartition des internés par nationalité et par région, (p. 311).
GYSIN Roland, Sanitätsfestung Schweiz. Über das Erheben der Stimme der Menschlichkeit. Internierte fremde Militärpersonen in der Schweiz 1916-1919, Zurich, Lizentiatsarbeit, 1993.
L'étape Libératrice : Au Soleil et sur les Monts. La vie de nos soldats et de nos alliés internés en Suisse, Genève, Sadag, 1918.
Archives du CICR: C G1 A 43 : Internement de prisonniers en pays neutre 1914-1920.
Procès-verbal de la séance du Conseil fédéral du 7 mai 1915: Leichtverwundete. Internierung in der Schweiz.
Lettre du Département politique à l'Ambassade de France concernant les nouvelles mesures d'internement en Suisse des prisonniers de guerre, Berne, le 19 avril 1917.
Journal des Internés français, (Première page), le 2 novembre 1916.
Deutsche Internierten-Zeitung,(Première page), le 1er novembre 1916.
BÜRGISSER Thomas, «Unerwünschte Gäste». Russische Soldaten in der Schweiz 1915-1920, Basel, Lizentiatsarbeit, 2006.
FAVRE Edouard, L’internement en Suisse des prisonniers de guerre malades ou blessés, 3 volumes, Berne, 1916-1919.
- Nombre d'internés en Suisse par nationalité, de janv. 1916 à janv. 1917 (p. 18).
- Répartition des internés par nationalité et par région, (p. 311).
GYSIN Roland, Sanitätsfestung Schweiz. Über das Erheben der Stimme der Menschlichkeit. Internierte fremde Militärpersonen in der Schweiz 1916-1919, Zurich, Lizentiatsarbeit, 1993.
L'étape Libératrice : Au Soleil et sur les Monts. La vie de nos soldats et de nos alliés internés en Suisse, Genève, Sadag, 1918.
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Loin des tourments de la guerre, cinq jeunes enfants tricotent, assis sur un banc dans un petit jardin. Au centre de la photo, l’une des jeunes filles offre son aide à ses camarades. L’inscription « Pour soulager toutes les misères, il faut des travailleurs de bonne volonté » évoque le zèle candide des enfants, servant d'exemple à suivre pour les adultes.
Dans chaque culture, en temps de guerre, l’image de l’enfant est largement utilisée à des fins de propagande à cause de son facteur émotionnel : enfants soldats, enfants martyrs ou – comme sur cette carte postale – enfants modèles. L’embrigadement patriotique de la jeunesse passe souvent par une forme ludique. Dans les pays belligérants, on observe par exemple une recrudescence de jouets de guerre : fusils pour les petits garçons et trousses d’infirmière pour les fillettes.
En Suisse, la représentation que l’on se fait de la guerre et l’idéal de neutralité investissent aussi l’univers de l’enfance. Souvent représentés sur les cartes postales, les enfants confèrent au message une charge émotionnelle importante. « La leçon de tricotage » colporte cet idéal helvétique de solidarité charitable auquel le peuple suisse est appelé à adhérer.
Le photographe genevois Fred Boissonnas a d'ailleurs systématiquement recours à de jeunes modèles pour réaliser une série de cartes postales photographiques à vocation humanitaire: Les dernières dépêches ; Loin des horreurs de la guerre.
Dans chaque culture, en temps de guerre, l’image de l’enfant est largement utilisée à des fins de propagande à cause de son facteur émotionnel : enfants soldats, enfants martyrs ou – comme sur cette carte postale – enfants modèles. L’embrigadement patriotique de la jeunesse passe souvent par une forme ludique. Dans les pays belligérants, on observe par exemple une recrudescence de jouets de guerre : fusils pour les petits garçons et trousses d’infirmière pour les fillettes.
En Suisse, la représentation que l’on se fait de la guerre et l’idéal de neutralité investissent aussi l’univers de l’enfance. Souvent représentés sur les cartes postales, les enfants confèrent au message une charge émotionnelle importante. « La leçon de tricotage » colporte cet idéal helvétique de solidarité charitable auquel le peuple suisse est appelé à adhérer.
Le photographe genevois Fred Boissonnas a d'ailleurs systématiquement recours à de jeunes modèles pour réaliser une série de cartes postales photographiques à vocation humanitaire: Les dernières dépêches ; Loin des horreurs de la guerre.
Afin d’encourager ses lecteurs à faire preuve de charité, la presse cite parfois en exemple les bons gestes et les petits sacrifices réalisés par les enfants pour une bonne œuvre. Une association neuchâteloise, l’Alliance des enfants, a pleinement sollicité la bonne volonté des enfants pour se faire connaître en Suisse romande et œuvrer en faveur des soldats français mutilés. Créée par l’écrivaine et philanthrope neuchâteloise Adèle Huguenin, alias T. Combe, elle promeut, à travers une petite revue, l’éducation de la jeunesse à la paix en impliquant les écoliers romands dans un projet de bienfaisance en faveur des soldats français aveugles de guerre. Les fonds récoltés par l’association sont destinés aux familles de ces soldats et à leur propre rééducation.
A partir du mois d’avril 1915, T. Combe publie le Bulletin de l’Alliance des enfants, qui devient Le Rameau d’Olivier sept mois plus tard. Suscitant la sympathie de ses lecteurs pour ces soldats infirmes qu’elle appelle « nos Grands Frères », elle récolte en retour des dons en leur faveur. En vendant les bulletins au prix de 5 centimes, les jeunes écoliers colportent son message de solidarité et de fraternité à leur entourage. Le ton est clairement francophile. En publiant les témoignages poignants des soldats devenus aveugles de guerre, T. Combe dénonce l’usage des armes chimiques et, par la même occasion, la « barbarie » allemande. Une série de cartes postales (recto/verso) est vendue au bénéfice de l'œuvre sous le titre «la famille du Rameau d'Olivier».
Le Rameau d’Olivier se fait connaître bien au-delà des frontières neuchâteloises et atteint un tirage maximum de 30 000 exemplaires par mois. Le succès dépasse toutes les attentes. Il est difficile de mesurer l’impact véritable de ce petit journal sur les esprits, mais les dons engrangés sont considérables : 17 188 francs récoltés en 1916 ; 15 743 francs l’année suivante et 7 224 francs en 1918 (prix du bulletin : 5 centimes).
A partir du mois d’avril 1915, T. Combe publie le Bulletin de l’Alliance des enfants, qui devient Le Rameau d’Olivier sept mois plus tard. Suscitant la sympathie de ses lecteurs pour ces soldats infirmes qu’elle appelle « nos Grands Frères », elle récolte en retour des dons en leur faveur. En vendant les bulletins au prix de 5 centimes, les jeunes écoliers colportent son message de solidarité et de fraternité à leur entourage. Le ton est clairement francophile. En publiant les témoignages poignants des soldats devenus aveugles de guerre, T. Combe dénonce l’usage des armes chimiques et, par la même occasion, la « barbarie » allemande. Une série de cartes postales (recto/verso) est vendue au bénéfice de l'œuvre sous le titre «la famille du Rameau d'Olivier».
Le Rameau d’Olivier se fait connaître bien au-delà des frontières neuchâteloises et atteint un tirage maximum de 30 000 exemplaires par mois. Le succès dépasse toutes les attentes. Il est difficile de mesurer l’impact véritable de ce petit journal sur les esprits, mais les dons engrangés sont considérables : 17 188 francs récoltés en 1916 ; 15 743 francs l’année suivante et 7 224 francs en 1918 (prix du bulletin : 5 centimes).
Bibliothèque de la Ville du Locle, Fonds T.Combe, Le Rameau d'Olivier, (Première page), 7/1916.
Photo de la dernière de couverture de la revue L'image en Guerre par Fred Boissonnas, s.d.
Site internet:
- L'Histoire par l'image: Les enfants dans la guerre de 1914-1918.
- Cartes postales de la guerre 14-18: Les enfants dans la guerre.
AUDOIN-ROUZEAU Stéphane, La Guerre des enfants, 1914-1918, Paris, Colin, 1993.
HUSS Marie-Monique, Histoires de famille, 1914 /1918, cartes postales et culture de guerre, Paris, Editions Noesis, 2000.
Photo de la dernière de couverture de la revue L'image en Guerre par Fred Boissonnas, s.d.
Site internet:
- L'Histoire par l'image: Les enfants dans la guerre de 1914-1918.
- Cartes postales de la guerre 14-18: Les enfants dans la guerre.
AUDOIN-ROUZEAU Stéphane, La Guerre des enfants, 1914-1918, Paris, Colin, 1993.
HUSS Marie-Monique, Histoires de famille, 1914 /1918, cartes postales et culture de guerre, Paris, Editions Noesis, 2000.
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Au centre du petit village de Ballaigues, dans le Jura vaudois, se trouve l’un des nombreux centres d’internement pour prisonniers de guerre français. En mars 1918, 146 personnes sont hébergées dans les trois résidences hôtelières que compte la localité : l’hôtel Aubépine, la pension Maillefer et la Sapinière. La plupart des internés travaillent dans le secteur de l’agriculture. Une quinzaine d’hommes sont employés dans les usines ou à la scierie de Vallorbe, tandis que 35 internés fabriquent des boîtes à fromage dans un « Atelier national des Internés Français » spécialement aménagé, comme nous le voyons sur cette carte postale photographique.
Les grands drapeaux français accrochés aux murs de l’atelier rappellent le caractère patriotique de l’entreprise puisque les boîtes à fromages, confectionnées à partir de matériaux importés de France, sont ensuite à nouveau expédiées dans l’Hexagone pour le commerce de camembert. De cette manière, l’atelier de Ballaigues n’entre pas en concurrence avec le marché suisse. En accomplissant ce travail, l’interné touche un salaire de 2 francs pour 300 boîtes fabriquées.
Les grands drapeaux français accrochés aux murs de l’atelier rappellent le caractère patriotique de l’entreprise puisque les boîtes à fromages, confectionnées à partir de matériaux importés de France, sont ensuite à nouveau expédiées dans l’Hexagone pour le commerce de camembert. De cette manière, l’atelier de Ballaigues n’entre pas en concurrence avec le marché suisse. En accomplissant ce travail, l’interné touche un salaire de 2 francs pour 300 boîtes fabriquées.
Chaque interné hospitalisé en Suisse doit s’acquitter du travail qui lui est attribué. Il existe six classes de travail en fonction des capacités physiques de chacun. Au-delà de l’objectif économique, le travail se veut porteur d’une dimension curative, sociale et éthique : il s’agit de consolider le moral de ceux qui ont été physiquement et psychiquement éprouvés par la guerre afin de préparer leur retour dans la vie civile.
Avec l’arrivée des premiers internés en Suisse en janvier 1916 se pose la question de leur occupation. Le 25 février, différentes associations sont chargées de subvenir à leurs besoins matériels, moraux et spirituels. L’œuvre Pro Captivis est ainsi désignée pour blanchir et raccommoder les vêtements des internés dans les différents secteurs. Dirigées par Helene Sprecher, l’épouse du chef de l’Etat-major de l’armée suisse Theophil Sprecher von Bernegg, les dames de Pro Captivis comprennent vite la nécessité de donner du travail aux internés. A l’aide de ressources privées, elles décident de créer deux ateliers pour les internés, l’un de chaussures à Brunnen, et l’autre de vannerie, à Merringen.
Convaincue par cette réussite, la Confédération prend l’organisation du travail des internés à son compte et crée 6 classes de travail. La gestion des ateliers de la classe III, destinés aux internés partiellement capables de travailler à l’extérieur des lieux d’internement, à raison de 4-5 heures par jour, est confiée à Pro Captivis. A la fin de l’année 1916, on dénombre 50 ateliers Pro Captivis, répartis dans toute la Suisse et occupant 1140 internés, payés 20 ct./heure. Ces ateliers se spécialisent dans divers secteurs : vannerie, menuiserie, marqueterie, reliure, jouets, sabots, lampes électriques, etc. Ils produisent aussi des objets pour leurs propres besoins : habits, chaussures, éléments orthopédiques, etc.
La classe de travail IV est fondée en octobre 1916 pour les hommes sains et autonomes, pouvant travailler sans contre-indication médicale. Elle regroupe les ateliers nationaux, comme celui de Ballaigues. On assiste à une véritable émulation entre les nations : à l’imprimerie des internés allemands répond celle des internés français. Les ateliers de menuiseries à St-Gall, de cordonnerie de Stansstadt, de jouets à Vitznau, de métallurgie à Rorschach mettent en valeur l’industrie allemande, tandis que les Anglais ouvrent des ateliers de maroquinerie et de vêtements à Meiringen, de tapis à Gunten, de pianos et d’horlogerie à Seeburg, et que les Français et les Belges fondent des établissements à Interlacken, Champéry, Vevey, Bex, Ballaigues ou Clarens…
Avec l’arrivée des premiers internés en Suisse en janvier 1916 se pose la question de leur occupation. Le 25 février, différentes associations sont chargées de subvenir à leurs besoins matériels, moraux et spirituels. L’œuvre Pro Captivis est ainsi désignée pour blanchir et raccommoder les vêtements des internés dans les différents secteurs. Dirigées par Helene Sprecher, l’épouse du chef de l’Etat-major de l’armée suisse Theophil Sprecher von Bernegg, les dames de Pro Captivis comprennent vite la nécessité de donner du travail aux internés. A l’aide de ressources privées, elles décident de créer deux ateliers pour les internés, l’un de chaussures à Brunnen, et l’autre de vannerie, à Merringen.
Convaincue par cette réussite, la Confédération prend l’organisation du travail des internés à son compte et crée 6 classes de travail. La gestion des ateliers de la classe III, destinés aux internés partiellement capables de travailler à l’extérieur des lieux d’internement, à raison de 4-5 heures par jour, est confiée à Pro Captivis. A la fin de l’année 1916, on dénombre 50 ateliers Pro Captivis, répartis dans toute la Suisse et occupant 1140 internés, payés 20 ct./heure. Ces ateliers se spécialisent dans divers secteurs : vannerie, menuiserie, marqueterie, reliure, jouets, sabots, lampes électriques, etc. Ils produisent aussi des objets pour leurs propres besoins : habits, chaussures, éléments orthopédiques, etc.
La classe de travail IV est fondée en octobre 1916 pour les hommes sains et autonomes, pouvant travailler sans contre-indication médicale. Elle regroupe les ateliers nationaux, comme celui de Ballaigues. On assiste à une véritable émulation entre les nations : à l’imprimerie des internés allemands répond celle des internés français. Les ateliers de menuiseries à St-Gall, de cordonnerie de Stansstadt, de jouets à Vitznau, de métallurgie à Rorschach mettent en valeur l’industrie allemande, tandis que les Anglais ouvrent des ateliers de maroquinerie et de vêtements à Meiringen, de tapis à Gunten, de pianos et d’horlogerie à Seeburg, et que les Français et les Belges fondent des établissements à Interlacken, Champéry, Vevey, Bex, Ballaigues ou Clarens…
Archives fédérales suisses E 27/14001: Beschäftigung der Internierten 1916-1921.
Archives fédérales suisses E/27/14003: Pro Captivis 1916-1918.
Archives du CICR: C G1 A 43: Internement de prisonniers en pays neutre 1914-1920
Carte postale: Ballaigues Pension Maillefer
Carte postale: Le Général Pau à Ballaigues
DE WECK Henri, «Internés», in Dictionnaire historique de la Suisse
FAVRE Edouard, L’internement en Suisse des prisonniers de guerre malades ou blessés, 3 volumes, Berne, 1916-1919.
GOMEZ Agueda, Deux œuvres caritatives au service de l’internement. L’œuvre universitaire suisse et Pro Captivis face à la défense des « intérêts helvétiques » pendant la Première Guerre mondiale, Lausanne, mémoire de licence, 2004.
Archives fédérales suisses E/27/14003: Pro Captivis 1916-1918.
Archives du CICR: C G1 A 43: Internement de prisonniers en pays neutre 1914-1920
Carte postale: Ballaigues Pension Maillefer
Carte postale: Le Général Pau à Ballaigues
DE WECK Henri, «Internés», in Dictionnaire historique de la Suisse
FAVRE Edouard, L’internement en Suisse des prisonniers de guerre malades ou blessés, 3 volumes, Berne, 1916-1919.
GOMEZ Agueda, Deux œuvres caritatives au service de l’internement. L’œuvre universitaire suisse et Pro Captivis face à la défense des « intérêts helvétiques » pendant la Première Guerre mondiale, Lausanne, mémoire de licence, 2004.
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Ce dessin représente une femme vêtue en habit traditionnel neuchâtelois servant à boire à un soldat russe, reconnaissable à sa parakha, coiffe cosaque. Cette carte postale fait partie d’une série intitulée «Hospitalité suisse», où chaque carte représente une femme revêtant le costume traditionnel d’un canton différent, accueillant à chaque fois un soldat de nation différente. Le dessinateur s’approprie et revisite à sa manière l’image d’une Suisse hospitalière. L’idée d’impartialité occupe une place prépondérante, puisque l’on y retrouve autant de soldats des pays de l’Entente que des Empires centraux. L’idéal féminin suggéré par la carte trouve un équilibre esthétique remarquable, à mi-chemin entre le réconfort maternel et le charme helvétique. De plus, le port du costume traditionnel évoque aussi le patriotisme.
Cette représentation symbolique, stylisée et magnifiée du pays neuchâtelois s’inscrit parfaitement dans le contexte artistique suisse qui prévaut à l'époque. Les profondes mutations sociales et économiques qui touchent la Suisse dès la fin du 19ème siècle conduisent à un repli sur les traditions rurales, qualifiées de typiquement suisses. L’idylle de la vie paysanne, le folklore, les costumes traditionnels, l’omniprésence des Alpes et la vision idéalisée de la femme, confinée dans ses rôles traditionnels, caractérise alors les tendances dominantes de l’art pictural suisse d’avant-guerre.
Cette représentation symbolique, stylisée et magnifiée du pays neuchâtelois s’inscrit parfaitement dans le contexte artistique suisse qui prévaut à l'époque. Les profondes mutations sociales et économiques qui touchent la Suisse dès la fin du 19ème siècle conduisent à un repli sur les traditions rurales, qualifiées de typiquement suisses. L’idylle de la vie paysanne, le folklore, les costumes traditionnels, l’omniprésence des Alpes et la vision idéalisée de la femme, confinée dans ses rôles traditionnels, caractérise alors les tendances dominantes de l’art pictural suisse d’avant-guerre.
La représentation de Suissesses en compagnie de soldats étrangers séjournant sur le territoire helvétique est révélatrice de comportements dépassant le cadre de la simple hospitalité. En effet, les femmes sont au premier rang lorsqu’il s’agit de porter assistance aux grands blessés traversant la Suisse ou aux internés placés dans les hôtels alpins. Aussi de nombreuses marraines de guerre manifestent leur engouement pour correspondre avec des soldats en captivité. Mais leur enthousiasme pour ces «héros de guerre» est jugé excessif. Il prend de telles proportions qu’il inquiète les associations féminines conservatrices et même les instances dirigeantes du pays. Des campagnes d’information sont lancées et des communiqués sont publiés dans la presse pour appeler les femmes suisses à la pudeur et à la retenue envers les internés. Il en va, dit-on, de la fierté nationale. Le Major Edouard Favre, responsable de l’internement, déclare dans son rapport de 1916 : «les deux principales causes d’indiscipline parmi les internés sont l’alcool et les femmes. […] Les hommes emmenaient les internés dans les caves, dans les cafés ou chez eux pour les faire boire, les femmes se jetaient à leur tête ou plutôt dans leurs bras.»
Carte postale: L'union fait la force
FAVRE Edouard, L’internement en Suisse des prisonniers de guerre malades ou blessés, 3 volumes, Berne, 1916-1919.
LE NAOUR Jean-Yves, «Les marraines de guerre: l'autre famille des soldats», in Les chemins de la mémoire, 181/2008, pp. 8-10.
LE NAOUR Jean-Yves, «Sur le front intérieur du péril vénérien (1914-1918)», in Annales de démographie historique, 1/2002, pp. 197-119.
LE NAOUR Jean-Yves, «L'éducation sexuelle du soldat en 14-18», in Bulletin du Centre d'Etude de l'Histoire de la Médecine de Toulouse, 32/2000, pp. 1-7.
FAVRE Edouard, L’internement en Suisse des prisonniers de guerre malades ou blessés, 3 volumes, Berne, 1916-1919.
LE NAOUR Jean-Yves, «Les marraines de guerre: l'autre famille des soldats», in Les chemins de la mémoire, 181/2008, pp. 8-10.
LE NAOUR Jean-Yves, «Sur le front intérieur du péril vénérien (1914-1918)», in Annales de démographie historique, 1/2002, pp. 197-119.
LE NAOUR Jean-Yves, «L'éducation sexuelle du soldat en 14-18», in Bulletin du Centre d'Etude de l'Histoire de la Médecine de Toulouse, 32/2000, pp. 1-7.
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Prise à l’intérieur d’un dortoir d’un camp de prisonniers français en Allemagne, cette photographie nous montre des captifs assis les uns à côtés des autres. Rasés, apparemment propres et correctement habillés, ils semblent être en bonne santé. La présence de bols à soupe aux pieds des prisonniers assis sous les fenêtres ainsi que de linge séchant sur les poutres du dortoir suggèrent qu’ils bénéficient d’un bon traitement. Ce sentiment général est renforcé par le très bon état du dortoir, propre, spacieux et disposant de larges fenêtres.
Au dos de la carte postale figure l’inscription « Collection du Comité international de la Croix-Rouge à Genève ». Elle fait donc partie d’une série de cartes postales photographiques retraçant la vie dans les camps de prisonniers en France et en Allemagne, prises par les délégués lors de leurs visites d’inspection. A l’instar des autres images, ce cliché met en valeur les conditions de détention des prisonniers. Aucun élément compromettant n’y apparaît. La question se pose de la mise en scène et de l’utilisation propagandiste de ce cliché. Quelles réalités et quels usages se cachent derrière cette photographie ?
Au dos de la carte postale figure l’inscription « Collection du Comité international de la Croix-Rouge à Genève ». Elle fait donc partie d’une série de cartes postales photographiques retraçant la vie dans les camps de prisonniers en France et en Allemagne, prises par les délégués lors de leurs visites d’inspection. A l’instar des autres images, ce cliché met en valeur les conditions de détention des prisonniers. Aucun élément compromettant n’y apparaît. La question se pose de la mise en scène et de l’utilisation propagandiste de ce cliché. Quelles réalités et quels usages se cachent derrière cette photographie ?
Les premières offensives allemandes s’accompagnent d’un afflux massif de prisonniers de guerre. L’Allemagne, plus que les autres pays, est très vite submergée par leur nombre. Des centaines de camps de prisonniers sont construits à la hâte sur le territoire du Reich, où s’entassent aussi bien des prisonniers militaires que civils. Au total, l’Allemagne comptabilisera 2,4 millions de prisonniers de guerre. Bien que les conventions de La Haye (1907) stipulent que les prisonniers de guerre doivent « être traités avec humanité » et que « le Gouvernement au pouvoir duquel se trouvent les prisonniers de guerre est chargé de leur entretien », la réalité est tout autre. En plus du froid, de la faim et de l’insalubrité, une part importante des prisonniers souffre de troubles psychiques, dus à leur longue captivité.
Sous prétexte que les prisonniers français souffrent de mauvais traitements, la France prend des mesures de rétorsion contre les captifs allemands. Il s’en suit un cycle de représailles irrépressible entre les deux pays, alimenté par la défiance, les propagandes et les mensonges, et dont les prisonniers sont les premières victimes.
Pour tenter d’endiguer cette surenchère de violence contre les prisonniers, le CICR obtient des belligérants le droit de visiter les camps de prisonniers. Il justifie ces inspections en disant que les missions des délégués dans les camps permettraient de couper court aux rumeurs de mauvais traitements colportées par la presse, de rassurer les familles et de faire cesser les politiques haineuses de représailles contre les prisonniers. Les 524 visites effectuées pendant la guerre font l’objet de 24 rapports détaillés sur l’état général des camps et les conditions de détention des prisonniers. Avant d’être publiés et rendus publics, les rapports ont subi un « toilettage » minutieux pour évacuer les éléments péjoratifs, susceptibles d’enflammer les opinions publiques. A travers la série de cartes postales photographiques sur la vie des camps, l’objectif visé par le CICR est identique : montrer les « bonnes conditions » de captivité de part et d’autre afin d’amener les deux camps à traiter ses prisonniers selon les principes vertueux de la réciprocité.
Sous prétexte que les prisonniers français souffrent de mauvais traitements, la France prend des mesures de rétorsion contre les captifs allemands. Il s’en suit un cycle de représailles irrépressible entre les deux pays, alimenté par la défiance, les propagandes et les mensonges, et dont les prisonniers sont les premières victimes.
Pour tenter d’endiguer cette surenchère de violence contre les prisonniers, le CICR obtient des belligérants le droit de visiter les camps de prisonniers. Il justifie ces inspections en disant que les missions des délégués dans les camps permettraient de couper court aux rumeurs de mauvais traitements colportées par la presse, de rassurer les familles et de faire cesser les politiques haineuses de représailles contre les prisonniers. Les 524 visites effectuées pendant la guerre font l’objet de 24 rapports détaillés sur l’état général des camps et les conditions de détention des prisonniers. Avant d’être publiés et rendus publics, les rapports ont subi un « toilettage » minutieux pour évacuer les éléments péjoratifs, susceptibles d’enflammer les opinions publiques. A travers la série de cartes postales photographiques sur la vie des camps, l’objectif visé par le CICR est identique : montrer les « bonnes conditions » de captivité de part et d’autre afin d’amener les deux camps à traiter ses prisonniers selon les principes vertueux de la réciprocité.
Archives du CICR:
- Collection iconographique du CICR (1847-1997): Inventaire V CI.
- C, G1, 432/I et 432/II, Visites de camps, relations des prisonniers de guerre avec les puissances protectrices.
Cartes postales de la collection du CICR (BN, Berne):
- camp de travail en France
- infirmerie d'un camp en Allemagne
- hôpital militaire en Allemagne
- vue des baraques d'un camp en Allemagne
- vue générale d'un camp en Algérie
- fête de gymnastique dans un camp en Allemagne
- messe en plein air dans un camp en Allemagne
Rapports des délégués du Comité international de la Croix-Rouge, Documents publiés à l'occasion de la guerre européenne, 1914-1919, 24 brochures, Genève [1915-1920].
ABBAL Odon, « Les prisonniers de la Grande Guerre », in Guerres mondiales et conflits contemporains, n° 147, Juillet 1987, pp. 5 – 30.
CAHEN-SALVADOR Georges, Les prisonniers de guerre (1914-19), Paris, 1929.
HINZ Uta, Gefangen im Grossen Krieg, Essen, Klartext Verlag, 2006.
JONES Heather, Violence against Prisonners of War in the First World War, Cambridge, University Press, 2013.
OLTMER Jochen (sld.), Kriegsgefangene im Europa des Ersten Weltkrieg, Paderborn, Ferdinand Schöningh, 2006.
- Collection iconographique du CICR (1847-1997): Inventaire V CI.
- C, G1, 432/I et 432/II, Visites de camps, relations des prisonniers de guerre avec les puissances protectrices.
Cartes postales de la collection du CICR (BN, Berne):
- camp de travail en France
- infirmerie d'un camp en Allemagne
- hôpital militaire en Allemagne
- vue des baraques d'un camp en Allemagne
- vue générale d'un camp en Algérie
- fête de gymnastique dans un camp en Allemagne
- messe en plein air dans un camp en Allemagne
Rapports des délégués du Comité international de la Croix-Rouge, Documents publiés à l'occasion de la guerre européenne, 1914-1919, 24 brochures, Genève [1915-1920].
ABBAL Odon, « Les prisonniers de la Grande Guerre », in Guerres mondiales et conflits contemporains, n° 147, Juillet 1987, pp. 5 – 30.
CAHEN-SALVADOR Georges, Les prisonniers de guerre (1914-19), Paris, 1929.
HINZ Uta, Gefangen im Grossen Krieg, Essen, Klartext Verlag, 2006.
JONES Heather, Violence against Prisonners of War in the First World War, Cambridge, University Press, 2013.
OLTMER Jochen (sld.), Kriegsgefangene im Europa des Ersten Weltkrieg, Paderborn, Ferdinand Schöningh, 2006.
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Il s’agit d’une carte postale vendue au profit de l’«Œuvre du Revoir», l’une des nombreuses associations charitables en activité pendant la guerre. Cette gravure représente un soldat français embrassant à plein bras sa femme et son enfant. Derrière cette sobriété et cette pudeur artistique se cache l’épisode très émouvant des retrouvailles. On ne peut qu’imaginer l’indescriptible bonheur du poilu à l’idée de retrouver un foyer, une mère, une femme, des enfants, après des mois, voire parfois des années de séparation.
Au dos de la carte postale se trouve l’adresse de l’œuvre accompagnée de l’inscription suivante : «But : soutenir le moral des Français internés en Suisse en leur permettant de recevoir un membre de leur famille. Voyage et séjour payés aux nécessiteux.» Il s’agit donc d’une carte postale publicitaire, dont les revenus produits par la vente servent à financer le voyage de familles d’internés français venant leur rendre visite en Suisse.
Le dessin est signé Jean Morax, frère du dramaturge vaudois René Morax. Passionné par la peinture, il fut l’élève d’Edouard Castres à Genève. Ayant émigré à Paris, il y exposa ses œuvres lors de l’Exposition universelle de 1900.
Au dos de la carte postale se trouve l’adresse de l’œuvre accompagnée de l’inscription suivante : «But : soutenir le moral des Français internés en Suisse en leur permettant de recevoir un membre de leur famille. Voyage et séjour payés aux nécessiteux.» Il s’agit donc d’une carte postale publicitaire, dont les revenus produits par la vente servent à financer le voyage de familles d’internés français venant leur rendre visite en Suisse.
Le dessin est signé Jean Morax, frère du dramaturge vaudois René Morax. Passionné par la peinture, il fut l’élève d’Edouard Castres à Genève. Ayant émigré à Paris, il y exposa ses œuvres lors de l’Exposition universelle de 1900.
D’après les accords sur l’internement conclus entre la Suisse, la France et l’Allemagne, les prisonniers de guerre malades internés en Suisse sont soumis à une stricte discipline militaire. Il est du devoir de la Suisse de les garder sous sa surveillance jusqu’à l’armistice. Cette mesure répond à un souci d’équité : éviter de rendre des hommes mobilisables à l’un ou l’autre des belligérants.
Etre interné en Suisse, c’est néanmoins l’espoir pour les prisonniers convalescents de recevoir la visite de leur famille, dont ils sont séparés parfois depuis le jour de la mobilisation. Mais les familles les moins fortunées n’avaient pas les moyens de s’offrir un voyage en Suisse pour retrouver leur proche. C’est pourquoi plusieurs œuvres de bienfaisance suisses se sont spécialement constituées, à Lausanne, à Montreux, au Bouveret ou à Neuchâtel, pour faciliter les visites entre les prisonniers de guerre français et leur famille.
L’«Œuvre de la Colonie suisse en France» est la plus importante de ces associations. Elle est fondée en mai 1916 sur l’initiative des Suisses de Paris et se donne pour but d’offrir des facilités de voyages et de séjour en Suisse aux familles des internés, en récoltant des dons parmi les Suisses de France. Ce geste donne à la France un témoignage de reconnaissance pour l’hospitalité accordée aux 80'000 Suisses résidants dans l’Hexagone. Le 17 mai 1916, une première circulaire est adressée à tous les Suisses habitants Paris. Le comité exécutif se met ensuite en rapport avec les consuls de Suisse à Alger, Besançon, Béziers, Bordeaux, Dijon, Le Havre, Lyon, Marseille, Nancy et Nice pour se faire connaître auprès des diverses colonies suisses de France.
Concrètement, il est décidé d’accorder une somme fixe de 40 francs par personne se rendant en Suisse. Cette somme comprend le prix du voyage, aller et retour, de la frontière au lieu d’internement (15 francs), et une somme de 25 francs à titre d’indemnité de séjour pour une durée de cinq jours. L’œuvre tient un registre dans lequel sont classés les dossiers personnels relatifs à chaque interné en Suisse, avec indication du nom et prénom de l’interné visité, du nom et de l’adresse du membre de la famille en visite, avec mention du degré de parenté et de la date du séjour. C’est ainsi que plus de 7 000 familles françaises eurent recours à l’Oeuvre du revoir, dont les recettes ont atteint plus de 400 000 francs. Les visiteurs purent ainsi rencontrer leurs proches dans 190 stations d’internement dispersées à travers la Suisse.
Etre interné en Suisse, c’est néanmoins l’espoir pour les prisonniers convalescents de recevoir la visite de leur famille, dont ils sont séparés parfois depuis le jour de la mobilisation. Mais les familles les moins fortunées n’avaient pas les moyens de s’offrir un voyage en Suisse pour retrouver leur proche. C’est pourquoi plusieurs œuvres de bienfaisance suisses se sont spécialement constituées, à Lausanne, à Montreux, au Bouveret ou à Neuchâtel, pour faciliter les visites entre les prisonniers de guerre français et leur famille.
L’«Œuvre de la Colonie suisse en France» est la plus importante de ces associations. Elle est fondée en mai 1916 sur l’initiative des Suisses de Paris et se donne pour but d’offrir des facilités de voyages et de séjour en Suisse aux familles des internés, en récoltant des dons parmi les Suisses de France. Ce geste donne à la France un témoignage de reconnaissance pour l’hospitalité accordée aux 80'000 Suisses résidants dans l’Hexagone. Le 17 mai 1916, une première circulaire est adressée à tous les Suisses habitants Paris. Le comité exécutif se met ensuite en rapport avec les consuls de Suisse à Alger, Besançon, Béziers, Bordeaux, Dijon, Le Havre, Lyon, Marseille, Nancy et Nice pour se faire connaître auprès des diverses colonies suisses de France.
Concrètement, il est décidé d’accorder une somme fixe de 40 francs par personne se rendant en Suisse. Cette somme comprend le prix du voyage, aller et retour, de la frontière au lieu d’internement (15 francs), et une somme de 25 francs à titre d’indemnité de séjour pour une durée de cinq jours. L’œuvre tient un registre dans lequel sont classés les dossiers personnels relatifs à chaque interné en Suisse, avec indication du nom et prénom de l’interné visité, du nom et de l’adresse du membre de la famille en visite, avec mention du degré de parenté et de la date du séjour. C’est ainsi que plus de 7 000 familles françaises eurent recours à l’Oeuvre du revoir, dont les recettes ont atteint plus de 400 000 francs. Les visiteurs purent ainsi rencontrer leurs proches dans 190 stations d’internement dispersées à travers la Suisse.
Archives fédérales suisses, E 2200.106-02, 1000/140_27 Œuvre de la Colonie suisse en France en faveur des militaires français internés en Suisse et de leurs familles, 1916-1917-1918. Consulat de Besançon.
Carte postale: Le Revoir
Œuvre de la colonie suisse en France en faveur des militaires internés en Suisse et de leurs familles. Rapport général 1916-1919, Paris, Edmond Dubois Imprimeur. 1919.
Carte postale: Le Revoir
Œuvre de la colonie suisse en France en faveur des militaires internés en Suisse et de leurs familles. Rapport général 1916-1919, Paris, Edmond Dubois Imprimeur. 1919.
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Finalement, l'enthousiasme charitable suscité par ces événements est tel qu'il inspire directement la création de la section gruérienne de la Croix-Rouge fribourgeoise, en septembre 1917. Cécile Despond, la femme du syndic de Bulle, en est à l'origine. Dès l'arrivée des premiers internés français en Gruyère, elle fait preuve d'un grand dévouement, qui sera récompensé par la médaille de la reconnaissance de la Croix-Rouge française. Les hommages personnels du général français Paul Pau en juin 1917, lors de sa visite des lieux d'internement suisses, l'encouragent à fonder une section régionale de la Croix-Rouge. Celle-ci voit le jour le 16 septembre à Bulle, et le général Pau accepte d'en devenir membre d'honneur.