Intitulée « L’île de la Paix » dans les trois langues nationales (Die Friedensinsel, Isola della Pace), cette carte postale, reproduite à partir d'une peinture de l'artiste biennois Rudolf Weiss (1846-1933), est loin de représenter une vision parfaitement idyllique d’une paix sans nuage, telle que l’on pourrait se l'imaginer. L'atmosphère y est plutôt lourde et tourmentée. Entouré d'une mer sombre et d'un ciel menaçant, le Palais fédéral brave la tempête, solidement perché sur un éperon rocheux. Fascinante, mystérieuse et déconcertante, cette représentation insulaire de la Suisse ne se laisse pas facilement interpréter. L’ île peut être perçue de manière équivoque, tantôt dans un sens positif, inspirant la quiétude, la sécurité et la prospérité, tantôt dans un sens négatif en suggérant l'idée d'isolement, de solitude et de repli sur soi… La légende, bilingue, se montre néanmoins rassurante sur le sort de la Suisse :
« Comme une île de paix au milieu des tempêtes
La Suisse est à l’abri des horreurs de la guerre,
Les Etats tout puissants qui bordent ses frontières
Ont respecté ses droits et les promesses faites. »
Avant 1914, l’image littéraire d’une île submergée par les flots était communément utilisée pour désigner un pays en proie à une attaque ennemie. Mais c’est au cours de la Première Guerre mondiale que la métaphore de l’île s’impose sous sa forme iconographique et devient associée à la Suisse sous le crayon des illustrateurs. Le non-engagement militaire renforce le mythe du Sonderfall, la Suisse prend alors pleinement conscience de son insularité. Dès lors, son aspect insulaire se décline sous différentes formes iconographiques, comme par exemple celle d’une montagne au milieu d'une mer de nuages. Dans l’immédiat après-guerre, la Suisse comme « montagne-île » inspire A. Hinter et R. Durrer dans la réalisation de leur
fresque votive dans la chapelle du Ranft, en hommage à Nicolas de Flue. Emergeant d’un océan jonché de squelettes, elle symbolise la Suisse épargnée des affres de la Grande Guerre. On y distingue le saint protecteur de la Suisse, priant sur le sommet de la montagne, les bras levés vers le ciel.
« Comme une île de paix au milieu des tempêtes
La Suisse est à l’abri des horreurs de la guerre,
Les Etats tout puissants qui bordent ses frontières
Ont respecté ses droits et les promesses faites. »
Avant 1914, l’image littéraire d’une île submergée par les flots était communément utilisée pour désigner un pays en proie à une attaque ennemie. Mais c’est au cours de la Première Guerre mondiale que la métaphore de l’île s’impose sous sa forme iconographique et devient associée à la Suisse sous le crayon des illustrateurs. Le non-engagement militaire renforce le mythe du Sonderfall, la Suisse prend alors pleinement conscience de son insularité. Dès lors, son aspect insulaire se décline sous différentes formes iconographiques, comme par exemple celle d’une montagne au milieu d'une mer de nuages. Dans l’immédiat après-guerre, la Suisse comme « montagne-île » inspire A. Hinter et R. Durrer dans la réalisation de leur
fresque votive dans la chapelle du Ranft, en hommage à Nicolas de Flue. Emergeant d’un océan jonché de squelettes, elle symbolise la Suisse épargnée des affres de la Grande Guerre. On y distingue le saint protecteur de la Suisse, priant sur le sommet de la montagne, les bras levés vers le ciel.
Carte postale L' île de Paix, 1916
Carte postale La Suisse en 1914-1916
Carte postale Die Friedens-Insel (Collection de cartes postales militaires, Bibliothèque am Guisanplatz, Berne)
JOST Hans Ulrich, « La Suisse, un pays neutre en guerre », in CAUSARANO Pietro (sld), Le XXème siècle des guerres, Paris, Editions de l'Atelier, 2004, pp. 150-157.
MARCHAL Guy P., « Die alpine Friedensinsel », in KÖRNER Martin, WALTER François, (éd.), Quand la montagne aussi a une histoire, mélanges offerts à Jean-François Bergier, Berne, P. Haupt, 1996, pp.409-426.
WALTER François, «La Suisse comme île», in HEINEN Armin, DIETMAR Hüser (Hg.), Tour de France: eine historische Rundkreise, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2008, pp. 419-428.
WIDMER Paul, Die Schweiz als Sonderfall : Grundlagen – Geschichte – Gestaltung, Zürich, Verlag Neue Zürcher Zeitung, 2007.
WIRTH Michael, «Die Schweiz als Insel: eine Postkarte aus dem Jahr 1914 und Karikaturen aus den Sechzigerjahren», in Schweizer Monatshefte, 2002 / 2, p. 22.
Carte postale La Suisse en 1914-1916
Carte postale Die Friedens-Insel (Collection de cartes postales militaires, Bibliothèque am Guisanplatz, Berne)
JOST Hans Ulrich, « La Suisse, un pays neutre en guerre », in CAUSARANO Pietro (sld), Le XXème siècle des guerres, Paris, Editions de l'Atelier, 2004, pp. 150-157.
MARCHAL Guy P., « Die alpine Friedensinsel », in KÖRNER Martin, WALTER François, (éd.), Quand la montagne aussi a une histoire, mélanges offerts à Jean-François Bergier, Berne, P. Haupt, 1996, pp.409-426.
WALTER François, «La Suisse comme île», in HEINEN Armin, DIETMAR Hüser (Hg.), Tour de France: eine historische Rundkreise, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2008, pp. 419-428.
WIDMER Paul, Die Schweiz als Sonderfall : Grundlagen – Geschichte – Gestaltung, Zürich, Verlag Neue Zürcher Zeitung, 2007.
WIRTH Michael, «Die Schweiz als Insel: eine Postkarte aus dem Jahr 1914 und Karikaturen aus den Sechzigerjahren», in Schweizer Monatshefte, 2002 / 2, p. 22.
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Cette représentation du territoire suisse sous la forme d’une île isolée au milieu de l’océan s’apparente à la carte postale signée R. Weiss : L’île de la paix. Or, dans le cas présent, les eaux sont moins agitées et le ciel, illuminé, paraît moins menaçant.
Dressé au centre de l’île, un gigantesque phare surplombe les flots, comme pour protéger le pays des dangers de la tempête. A son sommet se trouve un écusson helvétique, d’où jaillissent neuf rayons lumineux qui transpercent de part en part un ciel aux couleurs rouge sombre. Sur chaque trait de lumière, nous pouvons lire les inscriptions suivantes : « Echange d’internés civils » ; « Renseignements sur des personnes habitant les pays occupés » ; « Echange de grands blessés » ; « Transm. de la poste des prisonniers de guerre » ; « Hébergement des orphelins » ; « Rapatriement des évacués » ; « Internement de prisonniers de guerre malades » ; « Hébergement de réfugiés » ; « Renseignements sur des personnes recherchées ».
Ces inscriptions rappellent les principales actions charitables entreprises depuis la Suisse pour apporter secours aux victimes civiles et militaires des pays en guerre. Elles éclairent littéralement l’horizon helvétique durant la guerre et donnent une image valorisante et active de sa neutralité. L'île suisse revêt ici une connotation positive. Elle apparaît comme un refuge inespéré pour tous les naufragés guidés vers elle par la lumière de ses bonnes œuvres. Ses vallées verdoyantes en font un îlot très attirant et hospitalier.
Dressé au centre de l’île, un gigantesque phare surplombe les flots, comme pour protéger le pays des dangers de la tempête. A son sommet se trouve un écusson helvétique, d’où jaillissent neuf rayons lumineux qui transpercent de part en part un ciel aux couleurs rouge sombre. Sur chaque trait de lumière, nous pouvons lire les inscriptions suivantes : « Echange d’internés civils » ; « Renseignements sur des personnes habitant les pays occupés » ; « Echange de grands blessés » ; « Transm. de la poste des prisonniers de guerre » ; « Hébergement des orphelins » ; « Rapatriement des évacués » ; « Internement de prisonniers de guerre malades » ; « Hébergement de réfugiés » ; « Renseignements sur des personnes recherchées ».
Ces inscriptions rappellent les principales actions charitables entreprises depuis la Suisse pour apporter secours aux victimes civiles et militaires des pays en guerre. Elles éclairent littéralement l’horizon helvétique durant la guerre et donnent une image valorisante et active de sa neutralité. L'île suisse revêt ici une connotation positive. Elle apparaît comme un refuge inespéré pour tous les naufragés guidés vers elle par la lumière de ses bonnes œuvres. Ses vallées verdoyantes en font un îlot très attirant et hospitalier.
Le rayonnement à l’étranger des œuvres de bienfaisance suisses est très important, et ses actions charitables unanimement reconnus par les belligérants. Profitant de sa neutralité et de sa position géographique privilégiée au centre de l'Europe, la Suisse voit le développement d’un important réseau d’aide humanitaire dès les premières semaines de guerre. Elle jouit déjà d’une réputation de pays charitable grâce à la notoriété grandissante du CICR, fondé en 1863 à Genève, et dont l’engagement durant la Grande Guerre agit comme une véritable caisse de résonance pour stimuler les initiatives de secours privées.
A côté de la Croix-Rouge et des œuvres privées, la Confédération ne tarde pas à offrir ses bons offices aux belligérants. Dès l’automne 1914, elle permet le rapatriement entre la France et l’Allemagne de leurs internés civils et de leurs prisonniers de guerre gravement blessés. La Suisse devient rapidement un lieu de transit pour l’évacuation des populations civiles et pour les échanges de prisonniers. Le personnel sanitaire de la Croix-Rouge suisse accompagne les convois, prodiguant soins et assistance aux convalescents dans des wagons spécialement aménagés. Puis, à partir de janvier 1916, la Suisse accueille plus de 67'000 prisonniers de guerre malades et blessés français, allemands, autrichiens, hongrois, belges et anglais. Grâce à ses œuvres de bienfaisance, la Suisse adhère véritablement à l’image d’une « île de la paix », donnant ainsi un sens vertueux à sa neutralité. Dans un discours prononcé lors de la fête du 1er juin 1917 à Genève, le président de la Confédération Edmund Schulthess déclarait : « Jusqu’à l’heure présente, la Suisse a pu rester la petite île de la paix, fermement décidée à se tenir éloignée du conflit. Cette résolution répond aux traditions de notre pays, à sa composition ethnique, à sa volonté et à sa mission ».
A côté de la Croix-Rouge et des œuvres privées, la Confédération ne tarde pas à offrir ses bons offices aux belligérants. Dès l’automne 1914, elle permet le rapatriement entre la France et l’Allemagne de leurs internés civils et de leurs prisonniers de guerre gravement blessés. La Suisse devient rapidement un lieu de transit pour l’évacuation des populations civiles et pour les échanges de prisonniers. Le personnel sanitaire de la Croix-Rouge suisse accompagne les convois, prodiguant soins et assistance aux convalescents dans des wagons spécialement aménagés. Puis, à partir de janvier 1916, la Suisse accueille plus de 67'000 prisonniers de guerre malades et blessés français, allemands, autrichiens, hongrois, belges et anglais. Grâce à ses œuvres de bienfaisance, la Suisse adhère véritablement à l’image d’une « île de la paix », donnant ainsi un sens vertueux à sa neutralité. Dans un discours prononcé lors de la fête du 1er juin 1917 à Genève, le président de la Confédération Edmund Schulthess déclarait : « Jusqu’à l’heure présente, la Suisse a pu rester la petite île de la paix, fermement décidée à se tenir éloignée du conflit. Cette résolution répond aux traditions de notre pays, à sa composition ethnique, à sa volonté et à sa mission ».
Carte postale: Lîle de Paix, 1916
Carte postale: Drohende Kriegswolken
Carte postale: La Suisse en 1914-1916
Carte postale: Über den Kriegswolken
Carte postale: Die Friedens-Insel (Collection de cartes postales militaires, Bibliothèque am Guisanplatz, Berne)
MARCHAL Guy P., « Die alpine Friedensinsel », in KÖRNER Martin, WALTER François, (éd.), Quand la montagne aussi a une histoire, mélanges offerts à Jean-François Bergier, Berne, P. Haupt, 1996, pp. 409-426.
NAGEL Ernst, Les œuvres suisses de charité pendant la guerre 1914-1916, Neuchâtel, Bassin-Clottu, 1916.
TURMANN Max, La Suisse pendant la guerre, l’aide aux victimes, notes d’un témoin français, les difficultés économiques d’une neutralité politique, Paris, Perrin et Cie, 1917.
WALTER François, «La Suisse comme île », in HEINEN Armin, DIETMAR Hüser (Hg.), Tour de France: eine historische Rundkreise, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2008, pp. 419-428.
WIDMER Paul, Die Schweiz als Sonderfall : Grundlagen – Geschichte – Gestaltung, Zürich, Verlag Neue Zürcher Zeitung, 2007.
WIRTH Michael, «Die Schweiz als Insel: eine Postkarte aus dem Jahr 1914 und Karikaturen aus den Sechzigerjahren», in Schweizer Monatshefte, 2002 / 2, p. 22.
Carte postale: Drohende Kriegswolken
Carte postale: La Suisse en 1914-1916
Carte postale: Über den Kriegswolken
Carte postale: Die Friedens-Insel (Collection de cartes postales militaires, Bibliothèque am Guisanplatz, Berne)
MARCHAL Guy P., « Die alpine Friedensinsel », in KÖRNER Martin, WALTER François, (éd.), Quand la montagne aussi a une histoire, mélanges offerts à Jean-François Bergier, Berne, P. Haupt, 1996, pp. 409-426.
NAGEL Ernst, Les œuvres suisses de charité pendant la guerre 1914-1916, Neuchâtel, Bassin-Clottu, 1916.
TURMANN Max, La Suisse pendant la guerre, l’aide aux victimes, notes d’un témoin français, les difficultés économiques d’une neutralité politique, Paris, Perrin et Cie, 1917.
WALTER François, «La Suisse comme île », in HEINEN Armin, DIETMAR Hüser (Hg.), Tour de France: eine historische Rundkreise, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2008, pp. 419-428.
WIDMER Paul, Die Schweiz als Sonderfall : Grundlagen – Geschichte – Gestaltung, Zürich, Verlag Neue Zürcher Zeitung, 2007.
WIRTH Michael, «Die Schweiz als Insel: eine Postkarte aus dem Jahr 1914 und Karikaturen aus den Sechzigerjahren», in Schweizer Monatshefte, 2002 / 2, p. 22.
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Symbole de la neutralité armée du pays et de sa volonté de défense, l'occupation des frontières est l'un des thèmes les plus populaires parmi les illustrateurs de cartes postales. La mobilisation des troupes met en avant la figure iconographique du citoyen-soldat, appelé à accomplir son devoir pour la patrie. Ce type de cartes est très souvent accompagné d'une épigraphe patriotique ou d'un refrain de chanson militaire.
Cette lithographie représente Helvetia aux côtés d’un soldat suisse s’en allant aux frontières et portant sa main droite au cœur en signe de fidélité à la patrie. Drapée d’une tunique aux couleurs helvétiques, elle lui remémore les célèbres batailles de Morgarten et de Sempach, où ses aïeux ont héroïquement repoussé l’envahisseur autrichien, au nom de leur liberté et de leur indépendance. En 1315, près du col de Morgarten, quelques 1500 montagnards seraient venus à bout des hommes lourdement armés de Léopold 1er, deux fois plus nombreux. Puis, en 1386, les Waldstätten rééditent leur exploit en remportant une seconde victoire décisive contre la dynastie habsbourgeoise sur les rives du lac de Sempach. Selon la légende, l’issue favorable de la bataille revient au courage et au sens du sacrifice d’un homme d’Unterwald, Arnold Winkelried (représenté sous la main droite d’Helvetia). Il se serait volontairement empalé contre les piques autrichiennes, ouvrant ainsi une brèche dans les lignes ennemies, permettant aux Suisses de s’y engouffrer et de terrasser leur ennemi.
Cette lithographie représente Helvetia aux côtés d’un soldat suisse s’en allant aux frontières et portant sa main droite au cœur en signe de fidélité à la patrie. Drapée d’une tunique aux couleurs helvétiques, elle lui remémore les célèbres batailles de Morgarten et de Sempach, où ses aïeux ont héroïquement repoussé l’envahisseur autrichien, au nom de leur liberté et de leur indépendance. En 1315, près du col de Morgarten, quelques 1500 montagnards seraient venus à bout des hommes lourdement armés de Léopold 1er, deux fois plus nombreux. Puis, en 1386, les Waldstätten rééditent leur exploit en remportant une seconde victoire décisive contre la dynastie habsbourgeoise sur les rives du lac de Sempach. Selon la légende, l’issue favorable de la bataille revient au courage et au sens du sacrifice d’un homme d’Unterwald, Arnold Winkelried (représenté sous la main droite d’Helvetia). Il se serait volontairement empalé contre les piques autrichiennes, ouvrant ainsi une brèche dans les lignes ennemies, permettant aux Suisses de s’y engouffrer et de terrasser leur ennemi.
Cette allégorie historique exalte le patriotisme helvétique en actualisant dans le présent les exploits du passé. Le soldat de 1914 est ainsi appelé à marcher dans les pas de ses glorieux ancêtres en s’inspirant des vertus militaires puisées dans la tradition guerrière helvétique et dans ses mythes fondateurs.
En Suisse, la mobilisation générale est annoncée le 1er août 1914. Toutes les catégories d’âge mobilisables sont appelées à servir sous les drapeaux : l'élite (de 20 à 32 ans), la landwehr (de 33 à 40 ans) et la landsturm (de 40 à 48 ans). Les effectifs atteignent alors leur maximum dans les premières semaines de la guerre avec environ 238'000 hommes et 50'000 chevaux. Les troupes accomplissent de longues périodes de relèves aux frontières. Sur la durée du conflit, un soldat de l’élite effectuera environ 550 jours de service actif. Voici le texte du serment de fidélité au drapeau prêté par les mobilisés (extrait du quotidien fribourgeois La Liberté du 3 août 1914) :
« Les officiers, sous-officiers et soldats jurent : de rester fidèles à la Confédération ; de sacrifier leur vie pour la défense de la patrie et de sa constitution ; de ne jamais abandonner le drapeau ; de se conformer strictement aux lois militaires ; d’obéir scrupuleusement et ponctuellement aux ordres de leurs chefs ; de maintenir et d’observer une discipline sévère et de faire tout ce que l’honneur et la liberté de la patrie exigent d’eux ».
La presse salue l'ordre et la discipline dont font preuve les conscrits lors de la mobilisation. L’heure est à l’union nationale. Mais quel peut bien être l’état d’esprit du militaire suisse ? Car contrairement aux nations belligérantes, la Suisse neutre se prépare à la guerre sans connaître la nationalité de son ennemi... Alors que les armées françaises et allemandes se rendent au front en criant « nach Berlin ! » et, réciproquement, « à Paris ! », le soldat suisse, lui, accourt « aux Frontières ! » Devra-t-il se battre contre les Français ou contre les Allemands ? Nul ne le sait. L’impossible représentation de l’ennemi donne lieu à une imagerie très singulière du soldat suisse, dont la sentinelle gardant la frontière est l’incarnation.
En Suisse, la mobilisation générale est annoncée le 1er août 1914. Toutes les catégories d’âge mobilisables sont appelées à servir sous les drapeaux : l'élite (de 20 à 32 ans), la landwehr (de 33 à 40 ans) et la landsturm (de 40 à 48 ans). Les effectifs atteignent alors leur maximum dans les premières semaines de la guerre avec environ 238'000 hommes et 50'000 chevaux. Les troupes accomplissent de longues périodes de relèves aux frontières. Sur la durée du conflit, un soldat de l’élite effectuera environ 550 jours de service actif. Voici le texte du serment de fidélité au drapeau prêté par les mobilisés (extrait du quotidien fribourgeois La Liberté du 3 août 1914) :
« Les officiers, sous-officiers et soldats jurent : de rester fidèles à la Confédération ; de sacrifier leur vie pour la défense de la patrie et de sa constitution ; de ne jamais abandonner le drapeau ; de se conformer strictement aux lois militaires ; d’obéir scrupuleusement et ponctuellement aux ordres de leurs chefs ; de maintenir et d’observer une discipline sévère et de faire tout ce que l’honneur et la liberté de la patrie exigent d’eux ».
La presse salue l'ordre et la discipline dont font preuve les conscrits lors de la mobilisation. L’heure est à l’union nationale. Mais quel peut bien être l’état d’esprit du militaire suisse ? Car contrairement aux nations belligérantes, la Suisse neutre se prépare à la guerre sans connaître la nationalité de son ennemi... Alors que les armées françaises et allemandes se rendent au front en criant « nach Berlin ! » et, réciproquement, « à Paris ! », le soldat suisse, lui, accourt « aux Frontières ! » Devra-t-il se battre contre les Français ou contre les Allemands ? Nul ne le sait. L’impossible représentation de l’ennemi donne lieu à une imagerie très singulière du soldat suisse, dont la sentinelle gardant la frontière est l’incarnation.
Affiche: Appel au peuple suisse, le 5 août 1914 (BN, Berne)
Carte postale: Grenzbesetzung - August 1914 (Collection de cartes postales militaires, Bibliothèque am Guisanplatz, Berne)
Carte postale: 1914 (Collection de cartes postales militaires, Bibliothèque am Guisanplatz, Berne)
Carte postale: Occupation des frontières 1914
Carte postale: Grenzwacht - Occupation des frontières
Carte postale: Occupation des frontières - Septembre 1914
Carte postale: Publication de la mobilisation au Locle, le 1er août 1914
KAENEL Philippe, VALLOTTON François, Les images en guerre (1914-1945), Lausanne, Ed. Antipodes, 2008, pp. 7-19.
KNUBEL Denis (sld), Bataillon 15, Histoire d'un corps de troupes fribourgeois, des origines à la grève générale, 1875-1919, Bulle, Imprimierie du Sud, 2002.
Grüsse aus dem Soldatenleben, Militärpostkarten aus der Hälfte des 20. Jahrhunderts (Sammlung Ulrich Gribi). Katalog zur Ausstellung vom 8. Februar - 29. April 2007, Soleure, 2007, pp. 22-30.
VON TAVEL Hans-Christoph, "L'iconographie nationale", in Ars Helvetica X, Arts et culture visuels en Suisse, Disentis, Editions Desertina, 1992.
Carte postale: Grenzbesetzung - August 1914 (Collection de cartes postales militaires, Bibliothèque am Guisanplatz, Berne)
Carte postale: 1914 (Collection de cartes postales militaires, Bibliothèque am Guisanplatz, Berne)
Carte postale: Occupation des frontières 1914
Carte postale: Grenzwacht - Occupation des frontières
Carte postale: Occupation des frontières - Septembre 1914
Carte postale: Publication de la mobilisation au Locle, le 1er août 1914
KAENEL Philippe, VALLOTTON François, Les images en guerre (1914-1945), Lausanne, Ed. Antipodes, 2008, pp. 7-19.
KNUBEL Denis (sld), Bataillon 15, Histoire d'un corps de troupes fribourgeois, des origines à la grève générale, 1875-1919, Bulle, Imprimierie du Sud, 2002.
Grüsse aus dem Soldatenleben, Militärpostkarten aus der Hälfte des 20. Jahrhunderts (Sammlung Ulrich Gribi). Katalog zur Ausstellung vom 8. Februar - 29. April 2007, Soleure, 2007, pp. 22-30.
VON TAVEL Hans-Christoph, "L'iconographie nationale", in Ars Helvetica X, Arts et culture visuels en Suisse, Disentis, Editions Desertina, 1992.
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Dame Helvetia se tient debout, au centre de l’image, devant le Musée Rath de Genève, siège de l’« Agence Internationale des Prisonniers de Guerre » du CICR. A sa gauche, une foule compacte d’hommes, de femmes et d’enfants se pressent vers elle pour lui remettre des paquets et des lettres. Au premier plan, un petit enfant agite une lettre, un homme porte deux gros colis, tandis qu’une dame plus âgée cherche quelques pièces au fond de sa bourse. Tous ces dons trouvent leur destinataire de l’autre côté de l’image. En effet, Helvetia les redistribue à des hommes en uniforme convergeant à sa droite. Ces soldats sans arme – en l’occurrence des prisonniers de guerre – appartiennent à différentes armées étrangères. On peut les identifier grâce à leur couvre-chef : la tarbouche pour le soldat ottoman, le bonnet phrygien représentant le Français, ou encore, en arrière-plan, le casque à pointe pour le soldat allemand. En dessous, nous pouvons lire un texte signé « Rouget », mettant à l’honneur le rôle d’intermédiaire charitable joué par la Suisse entre les soldats et leurs familles, sans distinction de nationalité. Par une mise en scène allégorique, cette illustration joue sur l’analogie entre l’emblème de la Croix-Rouge et la croix suisse, ce qui contribue à renforcer l’image d’une Suisse neutre et secourable.
L’expérience de la guerre fut particulièrement éprouvante pour les familles des combattants. Sans nouvelle des leurs pendant de très longues périodes, elles furent soumises aux rumeurs mensongères, aux propagandes ennemies et à la désinformation constante sur leurs réelles conditions de vie ou de détention.
D'autre part, la captivité apparaît rapidement comme un phénomène de masse, confrontant les Etats belligérants à des problèmes de logistique inédits et les prisonniers de guerre à des conditions de captivité souvent déplorables. Dans les premiers mois de guerre, la plupart des prisonniers n’ont ni hébergement approprié, ni nourriture suffisante, ni possibilité de correspondre avec l’extérieur. Face à l’isolement et au dénuement de tant de prisonniers, d’une part, et à l’angoisse de leurs familles d’autre part, le CICR fait office d’intermédiaire neutre. Il prend en charge la transmission des correspondances avec les populations des territoires occupés, développe un service de renseignement pour informer les familles de militaires disparus et organise aussi le transport de colis, faisant ainsi parvenir nourriture et vêtements jusque dans les camps de prisonniers de guerre. Ces paquets de secours sont confectionnés par les privés, puis adressés au CICR qui charge ensuite une compagnie de transport privée de les acheminer à destination.
D’un noyau initial de 16 personnes, l’Agence du CICR emploie jusqu’à 1200 collaborateurs volontaires. Le bilan du travail accompli durant la guerre est éloquent : 1,8 millions de colis individuels et presque 2'000 wagons remplis d’envois collectifs ont été expédiés dans les camps de prisonniers depuis Genève, tandis que plus d’un million de renseignements ont été communiqués aux familles de soldats disparus.
D'autre part, la captivité apparaît rapidement comme un phénomène de masse, confrontant les Etats belligérants à des problèmes de logistique inédits et les prisonniers de guerre à des conditions de captivité souvent déplorables. Dans les premiers mois de guerre, la plupart des prisonniers n’ont ni hébergement approprié, ni nourriture suffisante, ni possibilité de correspondre avec l’extérieur. Face à l’isolement et au dénuement de tant de prisonniers, d’une part, et à l’angoisse de leurs familles d’autre part, le CICR fait office d’intermédiaire neutre. Il prend en charge la transmission des correspondances avec les populations des territoires occupés, développe un service de renseignement pour informer les familles de militaires disparus et organise aussi le transport de colis, faisant ainsi parvenir nourriture et vêtements jusque dans les camps de prisonniers de guerre. Ces paquets de secours sont confectionnés par les privés, puis adressés au CICR qui charge ensuite une compagnie de transport privée de les acheminer à destination.
D’un noyau initial de 16 personnes, l’Agence du CICR emploie jusqu’à 1200 collaborateurs volontaires. Le bilan du travail accompli durant la guerre est éloquent : 1,8 millions de colis individuels et presque 2'000 wagons remplis d’envois collectifs ont été expédiés dans les camps de prisonniers depuis Genève, tandis que plus d’un million de renseignements ont été communiqués aux familles de soldats disparus.
Site internet du CICR:
- Le CICR, 1914-18: activités générales
- Le CICR: 150 ans d'action humanitaire
Site internet notrehistoire.ch: Photo de l'Agence des prisonniers de guerre devant le musée Rath.
BECKER Annette, Oubliés de la Grande Guerre, Humanitaire et culture de guerre, Paris, Noêsis, 1998.
BUGNION François, Le Comité international de la Croix-Rouge et la protection des victimes de guerre, Genève, CICR, 1994.
DES GOUTTES Paul, Le rôle et l’action du Comité international de la Croix-Rouge pendant la Guerre européenne de 1914 à 1916, Genève, 1917.
DURANT André, De Sarajevo à Hiroshima. Histoire du Comité international de la Croix-Rouge, Genève, Institut Henry Dunant, 1978.
MOOREHEAD Caroline, Dunant's dream: War, Switzerland and the history of the Red Cross, London, Harper Collins Publishers, 1998.
RIESENBERGER Dieter, Für Humanität in Krieg und Frieden, Das internationale Rote Kreuz, 1863-1977, Sammlung Vandenhoeck, Göttingen, 1992.
ZWEIG Stefan, Le coeur de l'Europe. Une visite à la Croix-Rouge internationale de Genève, paris, Ed. du Carmel, 1918.
- Le CICR, 1914-18: activités générales
- Le CICR: 150 ans d'action humanitaire
Site internet notrehistoire.ch: Photo de l'Agence des prisonniers de guerre devant le musée Rath.
BECKER Annette, Oubliés de la Grande Guerre, Humanitaire et culture de guerre, Paris, Noêsis, 1998.
BUGNION François, Le Comité international de la Croix-Rouge et la protection des victimes de guerre, Genève, CICR, 1994.
DES GOUTTES Paul, Le rôle et l’action du Comité international de la Croix-Rouge pendant la Guerre européenne de 1914 à 1916, Genève, 1917.
DURANT André, De Sarajevo à Hiroshima. Histoire du Comité international de la Croix-Rouge, Genève, Institut Henry Dunant, 1978.
MOOREHEAD Caroline, Dunant's dream: War, Switzerland and the history of the Red Cross, London, Harper Collins Publishers, 1998.
RIESENBERGER Dieter, Für Humanität in Krieg und Frieden, Das internationale Rote Kreuz, 1863-1977, Sammlung Vandenhoeck, Göttingen, 1992.
ZWEIG Stefan, Le coeur de l'Europe. Une visite à la Croix-Rouge internationale de Genève, paris, Ed. du Carmel, 1918.
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Au centre de la carte postale, l'imitation d'un bas-relief sculpté dans la roche, imaginé par le dessinateur, met à l'honneur le sens de l'hospitalité suisse: Helvetia guide un groupe de prisonniers français malades à travers les montagnes, tandis qu'un jeune garçon de chalet court à leur rencontre avec un bouquet de fleurs dans une main et un rameau d’olivier dans l’autre. Tous les symboles concordent pour faire de cette représentation une véritable frise mythologique en l’honneur des valeurs présentées comme typiquement suisses. En « gravant » cet épisode dans la pierre, l’auteur de la carte postale a voulu faire de la tradition humanitaire d'accueil des blessés un élément constitutif de l'identité nationale helvétique.
Quant à la composition périphérique, il s’agit d’un modèle fixe que l’on retrouve à l’identique, ou presque (l’infirmière est parfois remplacée par Guillaume Tell) sur d’autres cartes postales: Le passage des évacués, Ceux qui passèrent, Sans titre. Mise en exergue, l’infirmière de la Croix-Rouge se substitue à Dame Helvetia et constitue par-là une innovation graphique importante. De même, le jeu de miroir entre le drapeau de la Croix-Rouge et l'écusson national entretient volontairement les amalgames entre le Comité genevois et la Suisse. Cet artifice renforce l’idée d’un rapport consubstantiel entre la citoyenneté suisse et l’idéologie du CICR.
Finalement, l'alignement des drapeaux des pays belligérants autour du bas-relief (France, Red Ensign britannique, Empire russe, Italie, Belgique, Serbie, Japon, Allemagne, Autriche-Hongrie, Turquie, Bulgarie) souligne l’esprit d’impartialité de la Suisse envers les deux camps belligérants.
Quant à la composition périphérique, il s’agit d’un modèle fixe que l’on retrouve à l’identique, ou presque (l’infirmière est parfois remplacée par Guillaume Tell) sur d’autres cartes postales: Le passage des évacués, Ceux qui passèrent, Sans titre. Mise en exergue, l’infirmière de la Croix-Rouge se substitue à Dame Helvetia et constitue par-là une innovation graphique importante. De même, le jeu de miroir entre le drapeau de la Croix-Rouge et l'écusson national entretient volontairement les amalgames entre le Comité genevois et la Suisse. Cet artifice renforce l’idée d’un rapport consubstantiel entre la citoyenneté suisse et l’idéologie du CICR.
Finalement, l'alignement des drapeaux des pays belligérants autour du bas-relief (France, Red Ensign britannique, Empire russe, Italie, Belgique, Serbie, Japon, Allemagne, Autriche-Hongrie, Turquie, Bulgarie) souligne l’esprit d’impartialité de la Suisse envers les deux camps belligérants.
La Première Guerre mondiale ouvre une période de grands bouleversements dans les rapports sociaux entre hommes et femmes. La mobilisation conduit non seulement à une redistribution des rôles traditionnels des sexes dans la sphère publique, mais aussi à un renforcement des stéréotypes de certains domaines d’activité typiquement féminins. Ainsi le métier d’infirmière est particulièrement exaltée dans l’iconographie et la littérature de guerre pour les valeurs essentiellement féminines qu’il véhicule : dévouement, amour maternel, réconfort, consolation.
Le personnage de l’infirmière au chevet des blessés s’impose tant en Suisse que dans les pays belligérants. Derrière des traits communs et stéréotypés, cette figure incontournable est sujette à quelques adaptations en fonction du contexte et des spécificités nationales : en Suisse, l'image de l'infirmière est utilisée différemment que dans les pays en guerre. Elle s’articule autour du binôme « humanitaire et neutralité ». Cette mise en scène hautement symbolique, mêlant harmonieusement les éléments d’identité suisse et d’appartenance à la Croix-Rouge n’a pas pour but d’éveiller de nouvelles vocations auprès des jeunes filles. Car la Suisse, contrairement à ses voisins en guerre, n’a pas l’utilité d’augmenter les effectifs de son personnel soignant. L'égérie de la Croix-Rouge suisse porte donc un message à connotation politique en laissant comprendre que la neutralité est une prérogative indispensable à l'œuvre de paix helvétique au cœur de l'Europe.
Selon un décret fédéral de 1903, la Croix-Rouge suisse était obligée, en cas de guerre, de mettre ses effectifs à disposition des services sanitaires de l’armée. Dans les faits, vingt-quatre détachements comptant quarante infirmières de la Croix-Rouge suisse ont été mobilisés en août 1914. Il était prévu que chaque détachement s’occupe de 500 blessés. En cas de besoin, le personnel auxiliaire formé de volontaires aurait été appelé en renfort. Chaque section cantonale de la Croix Rouge avait pour mission d'organiser des collectes et de former les volontaires en proposant des cours de samaritains.
Le personnage de l’infirmière au chevet des blessés s’impose tant en Suisse que dans les pays belligérants. Derrière des traits communs et stéréotypés, cette figure incontournable est sujette à quelques adaptations en fonction du contexte et des spécificités nationales : en Suisse, l'image de l'infirmière est utilisée différemment que dans les pays en guerre. Elle s’articule autour du binôme « humanitaire et neutralité ». Cette mise en scène hautement symbolique, mêlant harmonieusement les éléments d’identité suisse et d’appartenance à la Croix-Rouge n’a pas pour but d’éveiller de nouvelles vocations auprès des jeunes filles. Car la Suisse, contrairement à ses voisins en guerre, n’a pas l’utilité d’augmenter les effectifs de son personnel soignant. L'égérie de la Croix-Rouge suisse porte donc un message à connotation politique en laissant comprendre que la neutralité est une prérogative indispensable à l'œuvre de paix helvétique au cœur de l'Europe.
Selon un décret fédéral de 1903, la Croix-Rouge suisse était obligée, en cas de guerre, de mettre ses effectifs à disposition des services sanitaires de l’armée. Dans les faits, vingt-quatre détachements comptant quarante infirmières de la Croix-Rouge suisse ont été mobilisés en août 1914. Il était prévu que chaque détachement s’occupe de 500 blessés. En cas de besoin, le personnel auxiliaire formé de volontaires aurait été appelé en renfort. Chaque section cantonale de la Croix Rouge avait pour mission d'organiser des collectes et de former les volontaires en proposant des cours de samaritains.
Site internet: World War 1 Propaganda Posters: Les représentations de l'infirmière: Croix-Rouge française, anglaise, américaine et allemande.
Affiche: The Spirit of America, par Howard Chandler: l'image de l'infirmière dans la propagande de la Croix-Rouge américaine.
Extrait du film documentaire canadien Entre les lignes, de Claude Guilmain, 2008: Les infirmières au front / Nurses at the front
GUILLERMAND Jean, Histoires d'infirmières, Paris, France-sélection, vol. 2, 1991.
HUSS Marie-Monique, Histoires de famille, 1914 /1918, cartes postales et culture de guerre, Paris, Editions Noesis, 2000, pp. 214-215.
KAENEL Philippe, VALLOTTON François (sld), Les images en guerre (1914-1945), De la Suisse à l'Europe, Lausanne, Editions Antipodes, 2008, pp. 91-106.
THEBAUD Françoise, «Les anges blancs», in La femme au temps de la guerre de 14, Paris, Stock, 1986, pp. 83-103.
VALSANGIACOMO Enrico (sld), La Croix et la Carrière. La Croix-Rouge suisse et l'histoire des infirmières, Bâle, Editions Schwabe, 1991, pp. 123-127.
Affiche: The Spirit of America, par Howard Chandler: l'image de l'infirmière dans la propagande de la Croix-Rouge américaine.
Extrait du film documentaire canadien Entre les lignes, de Claude Guilmain, 2008: Les infirmières au front / Nurses at the front
GUILLERMAND Jean, Histoires d'infirmières, Paris, France-sélection, vol. 2, 1991.
HUSS Marie-Monique, Histoires de famille, 1914 /1918, cartes postales et culture de guerre, Paris, Editions Noesis, 2000, pp. 214-215.
KAENEL Philippe, VALLOTTON François (sld), Les images en guerre (1914-1945), De la Suisse à l'Europe, Lausanne, Editions Antipodes, 2008, pp. 91-106.
THEBAUD Françoise, «Les anges blancs», in La femme au temps de la guerre de 14, Paris, Stock, 1986, pp. 83-103.
VALSANGIACOMO Enrico (sld), La Croix et la Carrière. La Croix-Rouge suisse et l'histoire des infirmières, Bâle, Editions Schwabe, 1991, pp. 123-127.
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Au premier plan, Helvetia est aisément reconnaissable grâce à son bouclier aux couleurs helvétiques posé à sa droite. Abritée derrière des arbres en lisière de forêt, foulant l’herbe fraîche, elle observe dubitativement le champ de bataille où s’affrontent, sous un déluge de feu, les différentes armées belligérantes.
Un soldat français portant son pantalon rouge emblématique et un soldat allemand coiffé de son fameux casque à pointe se livrent un duel à l'épée au centre de l’image. La Suisse, perplexe et impuissante, observe passivement les affrontements et se demande bien où est passée la paix… « S’ils voulaient la paix, ils la trouveraient auprès de moi. Où est-elle ? » En y regardant de plus près, on constate qu'une branche d’olivier, symbole de la paix, gît à terre, à ses pieds. Aucune colombe à l’horizon, mais deux corbeaux - oiseaux de mauvais augure souvent associés aux champs de batailles - guettent du haut d’un arbre décharné les combattants s’entretuant pour se nourrir de leurs cadavres.
Avec la présence de la cavalerie sur le champ de bataille, les combats à l'épée, la vétusté du canon et des uniformes, cette scène évoque les guerres de mouvement du siècle précédent. L’anachronisme du dessin et sa naïveté témoignent peut-être de la volonté de l'auteur d'atténuer l'effroyable brutalité de la guerre moderne. Mais il indique plus probablement la manière dont certains se la représentaient à ses débuts, sous ses traits apparemment « héroïques ». Avant que le feu d’artillerie, les mitrailleuses et les tranchées ne s’imposent sur les champs de bataille du front ouest, les régiments de cavalerie, chasseurs à cheval, cuirassiers, dragons et hussards étaient utilisés lors des premiers assauts. Ces cartes postales allemandes (BDIC, Paris) nous permettent de voir l’évolution extrêmement rapide de l’armement au cours de la guerre.
Un soldat français portant son pantalon rouge emblématique et un soldat allemand coiffé de son fameux casque à pointe se livrent un duel à l'épée au centre de l’image. La Suisse, perplexe et impuissante, observe passivement les affrontements et se demande bien où est passée la paix… « S’ils voulaient la paix, ils la trouveraient auprès de moi. Où est-elle ? » En y regardant de plus près, on constate qu'une branche d’olivier, symbole de la paix, gît à terre, à ses pieds. Aucune colombe à l’horizon, mais deux corbeaux - oiseaux de mauvais augure souvent associés aux champs de batailles - guettent du haut d’un arbre décharné les combattants s’entretuant pour se nourrir de leurs cadavres.
Avec la présence de la cavalerie sur le champ de bataille, les combats à l'épée, la vétusté du canon et des uniformes, cette scène évoque les guerres de mouvement du siècle précédent. L’anachronisme du dessin et sa naïveté témoignent peut-être de la volonté de l'auteur d'atténuer l'effroyable brutalité de la guerre moderne. Mais il indique plus probablement la manière dont certains se la représentaient à ses débuts, sous ses traits apparemment « héroïques ». Avant que le feu d’artillerie, les mitrailleuses et les tranchées ne s’imposent sur les champs de bataille du front ouest, les régiments de cavalerie, chasseurs à cheval, cuirassiers, dragons et hussards étaient utilisés lors des premiers assauts. Ces cartes postales allemandes (BDIC, Paris) nous permettent de voir l’évolution extrêmement rapide de l’armement au cours de la guerre.
Durant le dernier quart du XIXe siècle, âge d’or de la politique de médiation et l’édification du droit international, la Suisse fut chargée de plusieurs mandats d'arbitrage internationaux. Elle s’est aussi fait remarquer dans la représentation des intérêts étrangers lors de crises ou de conflits internationaux.
Pendant la Première Guerre mondiale, elle est en charge de 22 mandats internationaux (représentation des intérêts étrangers). Par contre, ses tentatives de médiation de paix entre belligérants sont restées lettre morte. Dès le début de la guerre, des requêtes sont adressées au Conseil fédéral - celles des socio-démocrates et de l'Association suisse pour le suffrage féminin en octobre et novembre 1914 ou celle du Comité d'initiative «Pax» en février 1915. Elles lui demandent de condamner l'usage d'armes interdites, de dénoncer les exactions contre les civils ou de convoquer une conférence internationale des Etats neutres pour préparer la paix.
Se gardant de toute intervention prématurée, ce n’est qu’en décembre 1916 que le Conseil fédéral prend l’initiative d’associer la Suisse à la note du président américain Wilson, demandant aux belligérants de faire part de leurs conditions de paix. Initiative maladroite puisqu’elle tombe quelques jours après la demande de paix de l’Allemagne. Paris et Londres soupçonne la Suisse d'agir sous l’influence directe des Empires centraux. Finalement, l’affaire Grimm-Hoffmann de juin 1917 demeure l'exemple le plus emblématique des maladresses et des limites de la diplomatie helvétique pendant la guerre, révélant l'incapacité des pays neutres à se faire entendre.
Pendant la Première Guerre mondiale, elle est en charge de 22 mandats internationaux (représentation des intérêts étrangers). Par contre, ses tentatives de médiation de paix entre belligérants sont restées lettre morte. Dès le début de la guerre, des requêtes sont adressées au Conseil fédéral - celles des socio-démocrates et de l'Association suisse pour le suffrage féminin en octobre et novembre 1914 ou celle du Comité d'initiative «Pax» en février 1915. Elles lui demandent de condamner l'usage d'armes interdites, de dénoncer les exactions contre les civils ou de convoquer une conférence internationale des Etats neutres pour préparer la paix.
Se gardant de toute intervention prématurée, ce n’est qu’en décembre 1916 que le Conseil fédéral prend l’initiative d’associer la Suisse à la note du président américain Wilson, demandant aux belligérants de faire part de leurs conditions de paix. Initiative maladroite puisqu’elle tombe quelques jours après la demande de paix de l’Allemagne. Paris et Londres soupçonne la Suisse d'agir sous l’influence directe des Empires centraux. Finalement, l’affaire Grimm-Hoffmann de juin 1917 demeure l'exemple le plus emblématique des maladresses et des limites de la diplomatie helvétique pendant la guerre, révélant l'incapacité des pays neutres à se faire entendre.
Rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur les pétitions à elle adressées tendant à hâter la conclusion de la paix, 23 septembre 1916.
Procès-verbal de la séance du Conseil fédéral du 21 décembre 1916: Note des Präsidenten Wilson. Anschluss schweizerischerseits.
Archives fédérales suisse (Berne), E 2001 (A), 1000/45 :
- vol. 684 : Listen der Proteste verschiedener Staaten gegen die Verletzung des Menschen- und Kriegsrechts durch die kriegführenden Mächte. 1916-1917.
- vol. 685 : Internationales Proteste gegen Deportationen. 1916-1917.
- vol. 686: Vorschlag des BR betr. Demarche der neutralen Staaten gegen die Bombardierungen außerhalb des Kriegsraumes.
AUDOUIN-ROUZEAU Stéphane, Combattre. Une anthropologie historique de la guerre moderne (XIXe-XXe siècle), Paris, Editions du Seuil, 2008.
BLOCH Marc, Souvenirs de guerre 1914-15, Paris, A. Colin, 1969.
MITTLER Max, Der Weg zum Ersten Weltkrieg: wie neutral war die Schweiz ?, Kleinstaat und europäischer Imperialismus, Zürich, Neue Zürcher Zeitung, 2003.
SOIRON Rolf, Der Beitrag der Schweizer Aussenpolitik zum Problem der Friedensorganisation am Ende des Ersten Weltkrieg, Basel, Helbing und Lichtenhahn, 1973.
TIERCY Jean-François, « Action humanitaire et tentatives de médiation : deux aspects de la politique extérieure de la Suisse dans la perspective de ses relations avec la France » in Aspects des rapports entre la France et la Suisse de 1843 à 1939, Neuchâtel, La Baconnière, 1982, pp. 125-136.
Procès-verbal de la séance du Conseil fédéral du 21 décembre 1916: Note des Präsidenten Wilson. Anschluss schweizerischerseits.
Archives fédérales suisse (Berne), E 2001 (A), 1000/45 :
- vol. 684 : Listen der Proteste verschiedener Staaten gegen die Verletzung des Menschen- und Kriegsrechts durch die kriegführenden Mächte. 1916-1917.
- vol. 685 : Internationales Proteste gegen Deportationen. 1916-1917.
- vol. 686: Vorschlag des BR betr. Demarche der neutralen Staaten gegen die Bombardierungen außerhalb des Kriegsraumes.
AUDOUIN-ROUZEAU Stéphane, Combattre. Une anthropologie historique de la guerre moderne (XIXe-XXe siècle), Paris, Editions du Seuil, 2008.
BLOCH Marc, Souvenirs de guerre 1914-15, Paris, A. Colin, 1969.
MITTLER Max, Der Weg zum Ersten Weltkrieg: wie neutral war die Schweiz ?, Kleinstaat und europäischer Imperialismus, Zürich, Neue Zürcher Zeitung, 2003.
SOIRON Rolf, Der Beitrag der Schweizer Aussenpolitik zum Problem der Friedensorganisation am Ende des Ersten Weltkrieg, Basel, Helbing und Lichtenhahn, 1973.
TIERCY Jean-François, « Action humanitaire et tentatives de médiation : deux aspects de la politique extérieure de la Suisse dans la perspective de ses relations avec la France » in Aspects des rapports entre la France et la Suisse de 1843 à 1939, Neuchâtel, La Baconnière, 1982, pp. 125-136.
6
Helvetia (debout à droite) remet un soldat français blessé à Marianne, figure allégorique de la République française assise en contrebas et reconnaissable à son bonnet phrygien. Contrairement à cette dernière, Helvetia se présente sans arme. Elle ne porte pas ses attributs classiques que sont le manteau, le bouclier et le javelot. Vêtue d’une longue tunique blanche et couronnée d’un diadème doré, elle apparaît dans toute sa candeur, comme pour mieux mettre en valeur la pureté de sa vocation de samaritaine. En-dessous, l’écusson suisse est associé à une branche d'olivier, symbole de paix.
Les années 1914-1918 constituent une étape charnière dans la représentation iconographique d’Helvetia en temps de guerre. Cette dernière n’est plus uniquement la source de l’ardeur patriotique et belliqueuse des soldats suisses, mais devient aussi la protectrice des victimes civiles de la guerre, des réfugiés et des militaires blessés, influencée par la figure de l’infirmière de la Croix-Rouge avec laquelle elle se confond.
Les années 1914-1918 constituent une étape charnière dans la représentation iconographique d’Helvetia en temps de guerre. Cette dernière n’est plus uniquement la source de l’ardeur patriotique et belliqueuse des soldats suisses, mais devient aussi la protectrice des victimes civiles de la guerre, des réfugiés et des militaires blessés, influencée par la figure de l’infirmière de la Croix-Rouge avec laquelle elle se confond.
Cette gravure fait écho au rapatriement à travers la Suisse des soldats français gravement blessés qui étaient détenus en Allemagne. Par son entremise humanitaire entre la France et l'Allemagne, la Suisse avait rendu possible les échanges réciproques de prisonniers blessés. En qualifiant les grands blessés français d’ « héroïques », l’illustrateur nous livre une vision francophile de la guerre, renforcée par la complicité manifeste entre Helvetia et Marianne. Des sentiments pro-français que partagent la grande majorité des Romands. Cependant, rares sont les cartes postales à motif humanitaire qui prennent partie seulement pour l’un des belligérants. Dans le fonds du Cabinet des Estampes, il n’existe pas de carte postale rendant hommage aux « héroïques » grands-blessés allemands.
Après avoir organisé le rapatriement des internés civils et des évacués, la Suisse offre ses services pour l’échange entre l’Allemagne et la France de leurs prisonniers de guerre blessés. Les négociations sont longues et fastidieuses car les belligérants craignent de rendre à l’ennemi des militaires encore aptes au combat. Les considérations humanitaires se heurtent aux enjeux stratégiques. Les parties en présence se mettent finalement d’accord pour classer les blessés en fonction de la gravité de leurs blessures. Les échanges sont réservés aux prisonniers les plus gravement atteints, dont les blessures sont considérées comme invalidantes : les amputés, les aveugles, les paralysés et les tuberculeux.
Des divergences de vue entre la France et l'Allemagne éclatent aussi au sujet des modalités d'échange. La France, qui a plus de soldats prisonniers en Allemagne que l’Allemagne n’en a en France, plaide pour échanger l'ensemble des blessés entrant dans les catégories requises, alors que l’Allemagne défend le principe d’un échange égalitaire, tête pour tête. Les exigences de la France sont finalement retenues. De mars 1915 à l’automne 1916 : 8663 prisonniers blessés français contre 2348 allemands sont échangés entre Constance et Lyon.
Après avoir organisé le rapatriement des internés civils et des évacués, la Suisse offre ses services pour l’échange entre l’Allemagne et la France de leurs prisonniers de guerre blessés. Les négociations sont longues et fastidieuses car les belligérants craignent de rendre à l’ennemi des militaires encore aptes au combat. Les considérations humanitaires se heurtent aux enjeux stratégiques. Les parties en présence se mettent finalement d’accord pour classer les blessés en fonction de la gravité de leurs blessures. Les échanges sont réservés aux prisonniers les plus gravement atteints, dont les blessures sont considérées comme invalidantes : les amputés, les aveugles, les paralysés et les tuberculeux.
Des divergences de vue entre la France et l'Allemagne éclatent aussi au sujet des modalités d'échange. La France, qui a plus de soldats prisonniers en Allemagne que l’Allemagne n’en a en France, plaide pour échanger l'ensemble des blessés entrant dans les catégories requises, alors que l’Allemagne défend le principe d’un échange égalitaire, tête pour tête. Les exigences de la France sont finalement retenues. De mars 1915 à l’automne 1916 : 8663 prisonniers blessés français contre 2348 allemands sont échangés entre Constance et Lyon.
Archives fédérales suisses (Berne), E 27, 1000/721 :
- vol. 13969: Internierung, Rapatrierung, Austausch von Kriegs- und Zivilgefangenen zwischen Deutschland und Frankreich.
- vol. 13981 : Vereinbarung zwischen Deutschland und Frankreich betr. Internierung von Kriegsgefangenen in der Schweiz.
- vol. 14044: Durchtransporte, Ausstausch von Militär- und Zivilpersonen durch die Schweiz.
Archives du CICR (Genève):
- C G1 A 42-02 Négociation du rapatriement en cours d’hostilités des prisonniers « grands malades » et « grands blessés ».
Carte postale: Les blessés en Suisse
Carte postale: Souvenir du 1er août 1916
FAVRE Edouard, L’internement en Suisse des prisonniers de guerre malades ou blessés, 3 volumes, Berne, 1916-1919.
KREIS Georg, Helvetia, Im Wandel der Zeiten. Die Geschichte einer nationalen Repräsentationsfigur, Zürich, Verlag NZZ, 1991.
ROGER Noëlle, Les carnets d’un témoin. Neuchâtel, Attinger, 1917.
- vol. 13969: Internierung, Rapatrierung, Austausch von Kriegs- und Zivilgefangenen zwischen Deutschland und Frankreich.
- vol. 13981 : Vereinbarung zwischen Deutschland und Frankreich betr. Internierung von Kriegsgefangenen in der Schweiz.
- vol. 14044: Durchtransporte, Ausstausch von Militär- und Zivilpersonen durch die Schweiz.
Archives du CICR (Genève):
- C G1 A 42-02 Négociation du rapatriement en cours d’hostilités des prisonniers « grands malades » et « grands blessés ».
Carte postale: Les blessés en Suisse
Carte postale: Souvenir du 1er août 1916
FAVRE Edouard, L’internement en Suisse des prisonniers de guerre malades ou blessés, 3 volumes, Berne, 1916-1919.
KREIS Georg, Helvetia, Im Wandel der Zeiten. Die Geschichte einer nationalen Repräsentationsfigur, Zürich, Verlag NZZ, 1991.
ROGER Noëlle, Les carnets d’un témoin. Neuchâtel, Attinger, 1917.
7
Le dessin coloré représente Helvetia en mère de famille coupant une grande miche de pain en morceaux qu’elle distribue à ses enfants. Habillés en costumes cantonaux traditionnels, les enfants représentent les cantons suisses, et plus prosaïquement la population helvétique dans son ensemble. On distingue en bas, les cantons de Vaud, Soleure, Berne et Appenzell (de gauche à droite) ; derrière, les cantons du Valais, Lucerne et Fribourg (de gauche à droite).
Mère Helvetia entourée de ses « enfants-cantons » est une représentation classique et très couramment utilisée par les illustrateurs du XIXe siècle. Durant la période de la guerre, ses qualités nourricières et protectrices sont particulièrement mises en valeur.
A travers son dessin, Gautschi appelle la population au sacrifice collectif pour la nation. Il choisit de dépeindre la péjoration des conditions économiques suisses (matérialisée par l’introduction de la carte de pain) en adoptant un style volontairement enfantin, naïf et coloré. C’est une manière d’adoucir et de faire accepter les rigueurs du rationnement. Certaines de ces cartes postales sont imprimées avec le refrain suivant :
« La réserve est peu riche !
Que ferons-nous demains ?
En taillant dans sa miche,
Distribuant son pain,
Notre Mère Helvétie,
Avec appréhension,
Craignant pour sa Patrie,
Limite la portion ! »
Mère Helvetia entourée de ses « enfants-cantons » est une représentation classique et très couramment utilisée par les illustrateurs du XIXe siècle. Durant la période de la guerre, ses qualités nourricières et protectrices sont particulièrement mises en valeur.
A travers son dessin, Gautschi appelle la population au sacrifice collectif pour la nation. Il choisit de dépeindre la péjoration des conditions économiques suisses (matérialisée par l’introduction de la carte de pain) en adoptant un style volontairement enfantin, naïf et coloré. C’est une manière d’adoucir et de faire accepter les rigueurs du rationnement. Certaines de ces cartes postales sont imprimées avec le refrain suivant :
« La réserve est peu riche !
Que ferons-nous demains ?
En taillant dans sa miche,
Distribuant son pain,
Notre Mère Helvétie,
Avec appréhension,
Craignant pour sa Patrie,
Limite la portion ! »
La Première Guerre mondiale voit l’apparition de la première grave crise de ravitaillement en Suisse. L’impréparation du pays dans le domaine de l’approvisionnement ainsi que ses négligences dans la planification d’une économie de guerre sont pointés du doigt. Si la première ordonnance sur la question du pain est déjà promulguée le 27 août 1914, le Conseil fédéral édicte la première mesure de rationnement le 13 septembre 1915 en interdisant la fabrication de farine blanche.
L’année 1917, celle de l’introduction de la carte de rationnement du pain, est particulièrement critique pour l’économie suisse. Avec l’entrée en guerre des Etats-Unis en avril, le blocus continental des alliés contre les Empires centraux s’intensifie, au risque de priver les pays neutres des approvisionnements de base. Les mesures de rationnements suisses touchent d’abord le sucre, le riz, les pâtes alimentaires avant de s’étendre au pain :
- 15 février : ordonnance fédérale réglementant la vente de pain frais
- 29 mai : arrêté fédéral concernant la fourniture de pain à prix réduit
- 10 août : arrêté fédéral sur la création d'un Office fédéral du pain
- 14 sept. : introduction de la carte de rationnement du pain le 14 septembre
- 24 oct. : décision du Département militaire sur la fabrication de pain de pommes de terre
- 17 nov. : arrêté fédéral sur les mesures à prendre pour éviter les abus de la carte de pain.
En tout, 39 ordonnances, instructions, décisions ou arrêtés fédéraux ont été prononcés entre 1914 et 1918 sur la question du pain. Et finalement, une ordonnance fédérale est promulguée en janvier 1918 sur l'utilisation du maïs et du riz dans la fabrication de farine panifiable afin de préserver les réserves de céréales.
Finalement, le beurre, le lait et le fromage font l’objet de mesures de rationnement durant la dernière année de guerre. La création d’un Office fédéral de l’alimentation ne fut décidée qu’en septembre 1918, soit deux mois avant l’armistice. Trop tardives, ces mesure ne permettent cependant pas d’éviter pénurie, colère et troubles sociaux.
L’année 1917, celle de l’introduction de la carte de rationnement du pain, est particulièrement critique pour l’économie suisse. Avec l’entrée en guerre des Etats-Unis en avril, le blocus continental des alliés contre les Empires centraux s’intensifie, au risque de priver les pays neutres des approvisionnements de base. Les mesures de rationnements suisses touchent d’abord le sucre, le riz, les pâtes alimentaires avant de s’étendre au pain :
- 15 février : ordonnance fédérale réglementant la vente de pain frais
- 29 mai : arrêté fédéral concernant la fourniture de pain à prix réduit
- 10 août : arrêté fédéral sur la création d'un Office fédéral du pain
- 14 sept. : introduction de la carte de rationnement du pain le 14 septembre
- 24 oct. : décision du Département militaire sur la fabrication de pain de pommes de terre
- 17 nov. : arrêté fédéral sur les mesures à prendre pour éviter les abus de la carte de pain.
En tout, 39 ordonnances, instructions, décisions ou arrêtés fédéraux ont été prononcés entre 1914 et 1918 sur la question du pain. Et finalement, une ordonnance fédérale est promulguée en janvier 1918 sur l'utilisation du maïs et du riz dans la fabrication de farine panifiable afin de préserver les réserves de céréales.
Finalement, le beurre, le lait et le fromage font l’objet de mesures de rationnement durant la dernière année de guerre. La création d’un Office fédéral de l’alimentation ne fut décidée qu’en septembre 1918, soit deux mois avant l’armistice. Trop tardives, ces mesure ne permettent cependant pas d’éviter pénurie, colère et troubles sociaux.
Carte postale: I'ha my brotcharte verloore - - - -
Mère Helvetia et ses enfants: Page de titre de l'ouvrage de Ernst Nagel, Die Liebestätigkeit des Schweiz im Weltkriege (dessin de J.J. Redmond, 1916)
Site internet: Fédération nationale des costumes suisses
DEGEN Bernard, «Rationnement», in Dictionnaire historique de la Suisse
FLEURY Antoine, « Les Etats-Unis et la Suisse à l’issue des deux guerres mondiales. Etude comparée de diplomatie économique », in : Relations internationales, Num. 10, 1977, pp. 127-141.
GROSS Paul, "Le ravitaillement de la Suisse", in Revue d’Economie politique, 1917, pp. 347-361.
KREIS Georg, Helvetia im Wandel der Zeiten. Die Geschichte einer nationalen Repräsentationsfigur, Zürich, Verlag NZZ, 1991.
LUCIRI Pierre, « le pain des Suisses », in Relations internationales, 4/1975.
RAPPARD William, La mission suisse aux Etats-Unis, août-novembre 1917, Genève, Sonor, 1918
Mère Helvetia et ses enfants: Page de titre de l'ouvrage de Ernst Nagel, Die Liebestätigkeit des Schweiz im Weltkriege (dessin de J.J. Redmond, 1916)
Site internet: Fédération nationale des costumes suisses
DEGEN Bernard, «Rationnement», in Dictionnaire historique de la Suisse
FLEURY Antoine, « Les Etats-Unis et la Suisse à l’issue des deux guerres mondiales. Etude comparée de diplomatie économique », in : Relations internationales, Num. 10, 1977, pp. 127-141.
GROSS Paul, "Le ravitaillement de la Suisse", in Revue d’Economie politique, 1917, pp. 347-361.
KREIS Georg, Helvetia im Wandel der Zeiten. Die Geschichte einer nationalen Repräsentationsfigur, Zürich, Verlag NZZ, 1991.
LUCIRI Pierre, « le pain des Suisses », in Relations internationales, 4/1975.
RAPPARD William, La mission suisse aux Etats-Unis, août-novembre 1917, Genève, Sonor, 1918
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Armée d’un balai, Helvetia chasse énergiquement des corbeaux prenant la fuite en emportant entre leurs griffes de grosses provisions de nourriture : « Réserve alimentaire fédérale ». C’est en effet sous la forme de grands corvidés aux serres aiguisées que l’illustrateur représente « les accapareurs » spoliant la Suisse de ses réserves alimentaires. Helvetia a bien du mal à en venir à bout, tant ils sont nombreux et paraissent affamés… « Un bon coup de balai » contre les accapareurs est nécessaire, voilà le message véhiculé par l’illustration.
En coiffant l’oiseau au premier plan d’un casque à pointe l’auteur de la carte postale laisse entendre que les accapareurs sont essentiellement d’origine germanique. C’est d’ailleurs ce que propagent les journaux romands à partir de 1916, en dénonçant les agissements de négociants étrangers établis en Suisse qui s’enrichissent en spéculant sur les prix des marchandises.
D’autre part, Helvetia chasse les corbeaux, non à coups de fusil, mais à grands coups de balai. Moins offensant qu’une arme, le balai a plus de chances d’échapper à une censure politique très attentive aux dénonciations de l’Allemagne. De plus, il exprime tout à fait l’idée chère à certaines élites conservatrices suisses de « nettoyer » le pays des éléments perturbateurs étrangers. Le «coup de balai» devient un thème iconographique récurrent dans une période troublée par d'innombrables affaires qui éclaboussent l'image de la neutralité suisse.
En coiffant l’oiseau au premier plan d’un casque à pointe l’auteur de la carte postale laisse entendre que les accapareurs sont essentiellement d’origine germanique. C’est d’ailleurs ce que propagent les journaux romands à partir de 1916, en dénonçant les agissements de négociants étrangers établis en Suisse qui s’enrichissent en spéculant sur les prix des marchandises.
D’autre part, Helvetia chasse les corbeaux, non à coups de fusil, mais à grands coups de balai. Moins offensant qu’une arme, le balai a plus de chances d’échapper à une censure politique très attentive aux dénonciations de l’Allemagne. De plus, il exprime tout à fait l’idée chère à certaines élites conservatrices suisses de « nettoyer » le pays des éléments perturbateurs étrangers. Le «coup de balai» devient un thème iconographique récurrent dans une période troublée par d'innombrables affaires qui éclaboussent l'image de la neutralité suisse.
L’image de l’accapareur allemand déstabilisant le pays nourrit les pages des grands quotidiens romands. Dans un contexte dominé par la crise de confiance nationale, où l’affaire des colonels met en cause les sphères militaires pour complicité et complaisance avec les Empires centraux, la représentation « germanique » des accapareurs entretient le climat germanophobe en Romandie.
Dépourvue de ressources naturelles et sans accès direct à la mer, la Suisse est totalement dépendante de ses grands voisins pour l’importation des denrées alimentaires et des matières premières. Très rapidement, elle perd sa souveraineté économique. En effet, les pays de l’Entente craignent que les marchandises à destination de la Suisse ne servent ensuite à alimenter l’effort de guerre de leurs ennemis. Pour empêcher le ravitaillement de l’Allemagne par le biais de la Suisse, ils mettent en place un système de contrôle des exportations suisses en octobre 1915, en créant la Société suisse de surveillance économique (S.S.S.). Cet organe permet aux Alliés de livrer aux industries helvétiques les contingents strictement nécessaires à leur fonctionnement, s’assurant ainsi qu’aucun excédent ne puisse parvenir en Allemagne.
De l’autre côté, les importations en provenance d’Allemagne reposent sur un système de compensations : en échange de leur charbon, les Allemands exigent que la Suisse leur livre des produits de première nécessité (bétail, lait, fromages, etc.). Mais les stocks suisses destinés à ce marchandage sont rapidement épuisés et la Suisse n’a plus les moyen de compenser ses importations de charbons. C’est alors que des négociants peu scrupuleux sont soupçonnés d’accaparer des produits en guise de compensation, c’est–à-dire de stocker des biens pour les revendre au prix fort en période de pénurie. Ainsi, l’accaparement semble faire partie du jeu économique opaque qu’entretiennent la Suisse et l’Allemagne.
Dépourvue de ressources naturelles et sans accès direct à la mer, la Suisse est totalement dépendante de ses grands voisins pour l’importation des denrées alimentaires et des matières premières. Très rapidement, elle perd sa souveraineté économique. En effet, les pays de l’Entente craignent que les marchandises à destination de la Suisse ne servent ensuite à alimenter l’effort de guerre de leurs ennemis. Pour empêcher le ravitaillement de l’Allemagne par le biais de la Suisse, ils mettent en place un système de contrôle des exportations suisses en octobre 1915, en créant la Société suisse de surveillance économique (S.S.S.). Cet organe permet aux Alliés de livrer aux industries helvétiques les contingents strictement nécessaires à leur fonctionnement, s’assurant ainsi qu’aucun excédent ne puisse parvenir en Allemagne.
De l’autre côté, les importations en provenance d’Allemagne reposent sur un système de compensations : en échange de leur charbon, les Allemands exigent que la Suisse leur livre des produits de première nécessité (bétail, lait, fromages, etc.). Mais les stocks suisses destinés à ce marchandage sont rapidement épuisés et la Suisse n’a plus les moyen de compenser ses importations de charbons. C’est alors que des négociants peu scrupuleux sont soupçonnés d’accaparer des produits en guise de compensation, c’est–à-dire de stocker des biens pour les revendre au prix fort en période de pénurie. Ainsi, l’accaparement semble faire partie du jeu économique opaque qu’entretiennent la Suisse et l’Allemagne.
Carte postale: Le péril des accapareurs tel qu'on le voit en Suisse
Journal de Genève:
- «Les accapareurs poursuivies», 19 février 1916.
- «Les accapareurs expulsés», 21 avril 1916.
Gazette de Lausanne:
- «Contre l'accaparement», 26 avril 1916.
- «Les accapareurs», 29 avril 1916.
ADANK Florian, Die Unternehmungsführungeiner « Exportfirma par Excellence » im ersten Weltkrieg und in zwei Wirtschaftkrisen : Die Sulzer Unternehmungen AG in Winterthur von 1914-1936, Mémoire de licence, Université de Zurich, 1999.
GROSS Paul, « Le ravitaillement de la Suisse », pp. 347-361, in : GIDE Charles, JOURDAN Alfred, VILLEY Edmond, Revue d’Economie politique, 1917.
LAURENS A., Le Blocus et la guerre sous-marine (1914-1918), Paris, Armand Colin, 1924.
LUCIRI Pierre, Le prix de la neutralité: la diplomatie secrète de la Suisse en 1914-1915 avec des documents d’archives inédits, Genève, Institut universitaire de hautes études internationales, 1976.
METRAUX Joséphine, Héros et anti-héros au service de la critique politique romande. Les cartes postales suisses censurées par la poste fédérale pendant la Première Guerre mondiale, mémoire de master, Université de Fribourg, 2013.
ROSSFELD Roman STRAUMANN Tobias (Hg.), Der vergessene Wirtschaftskrieg. Schweizer Unternehmen im Ersten Weltkrieg, Zurich, Chronos, 2008.
Journal de Genève:
- «Les accapareurs poursuivies», 19 février 1916.
- «Les accapareurs expulsés», 21 avril 1916.
Gazette de Lausanne:
- «Contre l'accaparement», 26 avril 1916.
- «Les accapareurs», 29 avril 1916.
ADANK Florian, Die Unternehmungsführungeiner « Exportfirma par Excellence » im ersten Weltkrieg und in zwei Wirtschaftkrisen : Die Sulzer Unternehmungen AG in Winterthur von 1914-1936, Mémoire de licence, Université de Zurich, 1999.
GROSS Paul, « Le ravitaillement de la Suisse », pp. 347-361, in : GIDE Charles, JOURDAN Alfred, VILLEY Edmond, Revue d’Economie politique, 1917.
LAURENS A., Le Blocus et la guerre sous-marine (1914-1918), Paris, Armand Colin, 1924.
LUCIRI Pierre, Le prix de la neutralité: la diplomatie secrète de la Suisse en 1914-1915 avec des documents d’archives inédits, Genève, Institut universitaire de hautes études internationales, 1976.
METRAUX Joséphine, Héros et anti-héros au service de la critique politique romande. Les cartes postales suisses censurées par la poste fédérale pendant la Première Guerre mondiale, mémoire de master, Université de Fribourg, 2013.
ROSSFELD Roman STRAUMANN Tobias (Hg.), Der vergessene Wirtschaftskrieg. Schweizer Unternehmen im Ersten Weltkrieg, Zurich, Chronos, 2008.
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Démesurément grande, Helvetia surplombe le champ de bataille qui s’étend à perte de vue. Trois nations s’affrontent dans un enchevêtrement d’armes. Des cuirassiers français surgissent depuis la droite de l’image et se lancent, sabre en mains, contre les soldats prussiens à genoux, reconnaissables à leur casque à pointe. Un scénario inversé se déroule sur la partie gauche de la carte postale : la cavalerie prussienne charge les fantassins français (portant un képi rouge et un lourd paquetage de campagne). En arrière-plan, les armées de la confédération germanique – dont le drapeau représente un aigle noir bicéphale sur fond jaune – font face aux troupes italiennes qui épaulent les Français. Un canon ouvre le feu sur la cavalerie française.
Stoïque et imperturbable, Helvetia observe l’affrontement quasi apocalyptique entre les forces latines et germaniques. Sa tête casquée est ornée d’une couronne de laurier. Portant une cotte de maille, un bouclier et une épée, elle est représentée en femme guerrière, d’inspiration mythologique. Au milieu du champ de bataille, elle échappe « miraculeusement » au conflit. L’inscription bilingue au sommet de la carte suggère l’idée d’une Suisse protégée par la volonté divine :
« Les peuples de l’Europe en cette atroce guerre,
Se livrent des combats héroïques, sanglants
Suisse, tu vis par un décret du Tout-Puissant
Symbole de la paix et de la liberté »
Dans le fonds du Cabinet des Estampes, une carte postale similaire porte l’inscription suivante :
« Au milieu de l’Europe où la guerre fait rage,
Notre Suisse est debout – Fidèle à son passé.
Elle reste la main qui soutient et soulage,
Les bras qui sont ouverts à tous, tous les blessés
De cette Europe en sang où la guerre fait rage. »
Stoïque et imperturbable, Helvetia observe l’affrontement quasi apocalyptique entre les forces latines et germaniques. Sa tête casquée est ornée d’une couronne de laurier. Portant une cotte de maille, un bouclier et une épée, elle est représentée en femme guerrière, d’inspiration mythologique. Au milieu du champ de bataille, elle échappe « miraculeusement » au conflit. L’inscription bilingue au sommet de la carte suggère l’idée d’une Suisse protégée par la volonté divine :
« Les peuples de l’Europe en cette atroce guerre,
Se livrent des combats héroïques, sanglants
Suisse, tu vis par un décret du Tout-Puissant
Symbole de la paix et de la liberté »
Dans le fonds du Cabinet des Estampes, une carte postale similaire porte l’inscription suivante :
« Au milieu de l’Europe où la guerre fait rage,
Notre Suisse est debout – Fidèle à son passé.
Elle reste la main qui soutient et soulage,
Les bras qui sont ouverts à tous, tous les blessés
De cette Europe en sang où la guerre fait rage. »
L’émergence de la figure iconographique féminine d’Helvetia a une longue histoire. Jusqu’au XVIIe siècle, les territoires politiques étaient associés à des animaux que l’on retrouvait symboliquement sur les cartes et les écussons. Dans l’ancienne Confédération, les représentations collectives figurées (statues, peintures, pièces de monnaie) faisaient la part belle aux représentations masculines, souvent anonymes, incarnant la force guerrière à l’état brut. Ce n’est qu’au XIXe siècle, véritable âge d’or des allégories, que s’imposent les personnifications des valeurs morales et des Etats-nations. Il en va de même pour Helvetia, dont l’image apparaît sur le document officiel de la Constitution de 1848.
Mais son hégémonie dans l’iconographie helvétique, acquise au siècle précédent, est remise en cause durant la période 1914-18. Sur les cartes postales et les affiches nationales, Helvetia entre en concurrence avec Guillaume Tell, défenseur « historique » de l’indépendance suisse. En période de guerre, ce dernier a l’avantage d’incarner un héros « réel ». Ce n’est donc pas un hasard s’il détrône Helvetia sur les timbres officiels dès 1914. Quant à la série de cartes postales produites par le Comité de la Fête Nationale, la préférence va à Tell et Winkelried, « Wächter der Heimat », lors de la première édition de 1910. Il faut attendre l’édition de 1915 pour voir la première apparition d’Helvetia dans la collection. Elle y est représentée dans un rôle humanitaire, accompagnant des réfugiés.
Les éléments métaphoriques masculin et féminin se côtoient donc dans l’iconographie suisse de la Grande Guerre. Dès lors, Guillaume Tell peut être perçu comme l’archétype de la figure du soldat suisse gardant la frontière, tandis qu’Helvetia reste intimement liée à l’idée de la nation. Plus polymorphe et artistique, elle s’impose tant dans les illustrations humanitaires, en figure maternelle et rassurante, qu’au milieu d’un champ de bataille, en défenseuse virile du pays.
Mais son hégémonie dans l’iconographie helvétique, acquise au siècle précédent, est remise en cause durant la période 1914-18. Sur les cartes postales et les affiches nationales, Helvetia entre en concurrence avec Guillaume Tell, défenseur « historique » de l’indépendance suisse. En période de guerre, ce dernier a l’avantage d’incarner un héros « réel ». Ce n’est donc pas un hasard s’il détrône Helvetia sur les timbres officiels dès 1914. Quant à la série de cartes postales produites par le Comité de la Fête Nationale, la préférence va à Tell et Winkelried, « Wächter der Heimat », lors de la première édition de 1910. Il faut attendre l’édition de 1915 pour voir la première apparition d’Helvetia dans la collection. Elle y est représentée dans un rôle humanitaire, accompagnant des réfugiés.
Les éléments métaphoriques masculin et féminin se côtoient donc dans l’iconographie suisse de la Grande Guerre. Dès lors, Guillaume Tell peut être perçu comme l’archétype de la figure du soldat suisse gardant la frontière, tandis qu’Helvetia reste intimement liée à l’idée de la nation. Plus polymorphe et artistique, elle s’impose tant dans les illustrations humanitaires, en figure maternelle et rassurante, qu’au milieu d’un champ de bataille, en défenseuse virile du pays.
Carte postale: Die Schweiz im Weltkrieg, 1914-1916:
Site internet Pro Patria: Collection de cartes postales Pro Patria (Don Suisse pour la Fête Nationale) 1910-1920
KREIS Georg, Helvetia im Wandel der Zeiten. Die Geschichte einer natinalen Repräsentationsfigur, Zürich, Verlag NZZ, 1991.
WIDMER Paul, Die Schweiz als Sonderfall, Zürich, Verlag NZZ, 2007.
Site internet Pro Patria: Collection de cartes postales Pro Patria (Don Suisse pour la Fête Nationale) 1910-1920
KREIS Georg, Helvetia im Wandel der Zeiten. Die Geschichte einer natinalen Repräsentationsfigur, Zürich, Verlag NZZ, 1991.
WIDMER Paul, Die Schweiz als Sonderfall, Zürich, Verlag NZZ, 2007.
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Cette carte postale nous interpelle sur la question de la neutralité suisse en temps de guerre. La neutralité suffit-elle à protéger l’île suisse durant la tempête ? L’isolement est-il tenable ? Au début du siècle passé, la neutralité de la Suisse ne constitue pas encore un attribut essentiel de sa politique étrangère comme c’est le cas aujourd’hui. Elle n’est évoquée que lors de graves menaces – la dernière fois, lors du conflit franco-allemand de 1870-71.
A la veille de la Grande Guerre, les stratèges helvétiques spéculent sur son pouvoir dissuasif. On estime que la Suisse, en cas de conflit généralisé, ne tiendrait pas plus de quelques semaines. Soumise à des pressions commerciales intenables, elle serait, selon les plus sceptiques, rapidement contrainte de rallier un camp, celui du plus fort… Dans une guerre couronnant l’embrigadement collectif des valeurs morales et patriotiques des peuples, la neutralité a mauvaise presse. En effet, comment rester neutre au milieu de deux grandes Puissances, se revendiquant chacune le monopole du Droit et de la Vérité ? De plus, le sort de la Belgique neutre, attaquée par l’Allemagne à l’aube du 4 août, laissait planer de sérieux doutes quant au respect des droits et des promesses faites par « les Etats tout puissants qui bordent ses frontières ».